Le scandale Starlink

Le scandale Starlink & Co

 

 

 Avez-vous déjà assisté à ce spectacle ? 

Faut-il s’en émerveiller ? Ou bien plutôt s’en indigner ?
Tous ces points lumineux sont en fait des “trains” de satellites récemment mis en orbite, qui vont peu à peu s’écarter les uns des autres pour se positionner tout autour de la Terre. Ils ne sont qu’une petite partie d’un grand projet privé de télécommunications. Au premier abord, c’est intriguant, inattendu et amusant, voire même joli. Leur existence et les conditions de leur mise en orbite posent néanmoins de très graves problèmes, en particulier à la communauté scientifique internationale. Quand on y réfléchit bien, c’est grave, et même extrêmement grave !

Que sont ces satellites ?
Starlink est un projet d’accès à Internet par satellite proposé par le constructeur aérospatial américain SpaceX. Il repose sur le déploiement d’une constellation de plusieurs milliers de satellites de télécommunications en orbite terrestre basse. Testé en 2018, le déploiement de satellites a débuté en 2019 pour une mise en service en 2020. Pour atteindre ses objectifs commerciaux, SpaceX prévoit de maintenir 12.000 satellites vers 2025, puis jusqu’à 42.000 satellites à la fin du projet. Rappelons qu’il n’y a aujourd’hui (hors Starlink) qu’environ 2000 satellites en activité.

Ces « constellations de satellites », quelle que puisse être leur finalité génèrent deux types de problèmes majeurs qui sont :
A) La prolifération des satellites et des nombreux débris en orbite autour de la Terre et donc des risques de collisions (y compris pour la Station Spatiale Internationale, qui est habitée en permanence).
B) La « pollution » du ciel nocturne par ces innombrables satellites qui reflètent la lumière du Soleil et mettent ainsi en danger les observations astronomiques (des amateurs et des professionnels) réalisées depuis la Terre. Leur généralisation pourrait marquer un sérieux coup d’arrêt quant aux travaux scientifiques des astronomes !

Certes, Starlink a demandé à la Commission Fédérale des Communications américaine (organisme d’état, théoriquement indépendant) l’autorisation de mettre ce projet en œuvre. Elle a été accordée, en l’absence de la moindre étude sur les impacts éventuellement générés par l’envoi de 42.000 satellites en orbite basse au-dessus de la Terre. En outre, il faut savoir que Starlink a donné des idées à toute une liste d’autres sociétés, dont les projets porteraient, avant 2030, le nombre de ces satellites à plus de 100.000 !

Les moyens d’action possibles
Cette autorisation paraît illicite et même illégale à beaucoup de monde et, nous semble-t-il, à juste titre. Elle est juridiquement attaquable pour plusieurs raisons devant une cour américaine. Elle pose aussi et surtout la question de la pseudo-légitimité que s’arroge une organisation américaine de disposer unilatéralement, et sans contrôle, d’un bien commun universel : « la qualité du ciel terrestre ». Nous développerons plus loin tous ces aspects juridico-réglementaires ainsi que les mesures possibles.

L’annonce de ce projet et le commencement de sa mise en œuvre ont suscité une vive réaction d’indignation et des vagues de protestations de la part d’un nombre très importants de scientifiques, au premier rang desquels se tenaient bien sûr les astronomes (professionnels et amateurs). Les conséquences de ce projet (et hélas d’autres à suivre) pourraient être dévastatrices pour l’Astronomie…

À titre d’exemple, nous reprenons ci-dessous un article de Pierre Barthélémy, publié dans “Le Monde”, du 19 février 2020. Nous avons plusieurs dizaines d’articles de teneur similaire (on ne les reprendra pas tous !). D’autres, plus complets, figureront dans les sections suivantes.

Comment les satellites Starlink d’Elon Musk parasitent le travail des astronomes

Par Pierre Barthélémy dans Le Monde, publié le 19 février 2020

Si la mégaconstellation inquiète le monde spatial en raison des risques d’embouteillages et d’accidents en orbite, ses premières victimes sont les astronomes, dont les observations sont empêchées par des interférences impressionnantes.

Images enregistrées depuis l’observatoire chilien de Cerro Tololo montrant les traînées de 19 satellites Starlink, le 18 novembre 2019. Clarae Martínez-Vázquez / Observatoire de Cerro Tololo

Le 8 janvier, au lendemain du lancement de 60 nouveaux satellites Starlink, l’astrophysicien suisse Didier Queloz, Nobel de physique 2019, a agrémenté de plusieurs émoticones affligées et agacées un Tweet en anglais qui peut se traduire ainsi : « Oh, mon Dieu, encore plus de fausses étoiles dans le ciel qui nous empêchent de voir les vraies ! ».

Si la mégaconstellation d’Elon Musk inquiète le monde spatial en raison des risques d’embouteillages et d’accidents en orbite, ses premières victimes directes sont bel et bien les astronomes. « Sans compter toutes les images faites par les astronomes amateurs, beaucoup d’observatoires professionnels, comme l’observatoire Lowell aux Etats-Unis, l’observatoire de Cerro Tololo au Chili ou les télescopes du projet ASAS-SN, lui aussi au Chili, ont diffusé des images montrant des interférences impressionnantes. On voit des traînées de satellites qui rendent les observations inutilisables », explique Eric Lagadec, astronome à l’Observatoire de la Côte d’Azur et vice-président de la Société française d’astronomie et d’astrophysique (SF2A).

« Tout le monde a été pris de court par la luminosité des satellites, reconnaît Miguel Montargès, astrophysicien à la KU Leuven (Louvain, Belgique). Personnellement, je ne suis pas concerné car je fais des observations à haute résolution angulaire, sur un champ tout petit, et il y a peu de chances qu’un satellite passe devant. Mais ces traînées sont potentiellement un énorme problème pour l’observatoire Vera Rubin, en cours de construction au Chili, qui fera une astronomie à grand champ et photographiera l’ensemble du ciel toutes les trois nuits ».


Au-delà de cette introduction, vous pouvez également accéder directement à des documents plus détaillés dans les chapitres suivants :

1 – Présentation et historique succinct du projet
2 – L’historique détaillé
3 – Le déploiement des satellites opérationnels
4 – Les caractéristiques techniques
5 – Les objectifs commerciaux du projet
6 – La pollution lumineuse du ciel et de l’espace
7 – Trop d’objets en orbite, débris, collisions, etc. 
8 – Les controverses
9 – Les moyens de lutte contre ce type de projet
10 – Article 1 – Business Insider
11 – Article 2 – Le Monde
12 – Articles 3 et 3bis – L’UAI
13 – Article 4 – L’ESO
14 – Le site “Satmap”, les satellites en direct…

Ensuite vous pourrez revenir ici avec la flèche gauche du haut de votre navigateur.


 

 

 

 

1 – Présentation et historique succinct du projet

Starlink est un projet d’accès à Internet par satellite proposé par le constructeur aérospatial américain SpaceX reposant sur le déploiement d’une constellation de plusieurs milliers de satellites de télécommunications positionnés sur une orbite terrestre basse. Deux prototypes sont lancés en 2018 et le déploiement des satellites débute en 2019, pour une mise en service en 2020. Pour atteindre ses objectifs commerciaux, SpaceX prévoit de mettre en service, à terme (vers 2025), 12.000 satellites opérationnels en orbite basse, puis jusqu’à 42.000 satellites à la fin du projet, alors qu’il n’y a aujourd’hui (hors Starlink) qu’un peu plus de 2000 satellites en activité. Il est néanmoins prévu que la constellation initiale ne comporte au cours des premières années que 1600 satellites pour affiner les techniques à mettre en œuvre avant le déploiement d’une constellation complète.

PROJET : Le projet Starlink de la société américaine SpaceX prévoit le lancement et le déploiement de 12.000 puis 42.000 minisatellites pour offrir un service Internet à haut débit partout sur la planète mais surtout destiné aux zones les moins densément peuplées n’étant peu ou pas desservies par un accès internet classique. Le projet se démarque aussi par un temps de latence réduit par rapport aux offres d’internet par satellite actuelles qui s’appuient sur de gros satellites placés en orbite géostationnaire. Le temps de latence envisagé se situe entre 25 et 35 ms (millisecondes) contre les 600 ms des satellites en orbite géostationnaire, mais selon Elon Musk, il pourrait être inférieur à 20 ms, voire bien plus bas. SpaceX (et donc Starlink) appartiennent au milliardaire américain Elon Musk, lequel possède aussi des usines de voitures électriques sous la marque Tesla. Elon Musk n’est pas un philanthrope désintéressé mais un businessman avisé, avide de réussite financière.

Selon SpaceX, le projet répond à un besoin suscité par la croissance des nouveaux usages d’internet tels que les jeux vidéo en réseau et les appels en visioconférence. Mais le projet, qui revient à multiplier par vingt le nombre de satellites opérationnels présents en orbite basse, est contesté notamment par les autres opérateurs de satellites parce qu’il peut contribuer à accroître fortement le risque de collision. Les techniques utilisées sont déjà mises en œuvre par les constellations Iridium et Globalstar (téléphone satellitaire), LeoSat (liaison point à point) mais surtout par d’autres projets visant exactement le même objectif que Starlink, comme OneWeb. Ce dernier (qui s’est placé en mars 2020 sous le chapitre 11 de la loi sur les faillites des États-Unis) repose sur un nombre de satellites beaucoup plus réduit (moins de 1000), avec une date de mise en service prévue en 2022.

HISTORIQUE – PLAN INITIAL : Le projet Starlink est annoncé pour la première fois par SpaceX en janvier 2015. Un établissement dédié au projet est créé en 2016 à Redmond près de Seattle. Les plans initiaux sont d’achever le déploiement de la constellation vers 2020 mais des changements dans les caractéristiques techniques font glisser le calendrier. Deux prototypes de satellites baptisés Tintin A et Tintin B sont placés en orbite en février 2018 pour valider les techniques qui sont mises en œuvre et réaliser les démonstrations exigées par les autorités réglementant les communications aux États-Unis (FCC). La FCC donne son accord en mars 2018 pour le déploiement d’un tiers de la constellation sous réserve que les résultats des tests exigés soient satisfaisants.

UNE PREMIERE CONSTELLATION DE 1600 SATELLITES : Le plan initial prévoit le déploiement de 12.000 satellites entre 1100 et 1300 kilomètres d’altitude. Mais les projets de sociétés concurrentes obligent SpaceX à accélérer son projet et la société annonce à l’automne 2018 qu’elle déploie une première constellation de 1600 satellites à une altitude plus basse (550 kilomètres). Par ailleurs, les satellites sont simplifiés pour permettre le lancement des premiers exemplaires en juin 2019. Au lieu d’émettre à la fois dans les bandes Ku et Ka, le satellite n’émettra qu’en bande Ku. SpaceX doit déployer 2 200 satellites de ce type en cinq ans qui doivent servir de prototypes aux satellites suivants.

L’annonce de ce projet et de son début de réalisation ont provoqué une levée de boucliers qui s’est très rapidement répandue aux États-Unis et dans le monde.


 

 

 

 

2 – L’historique détaillé

 

1) 2015-2017 : Le projet d’internet par satellite Starlink est annoncé par la société américaine SpaceX en janvier 2015. La largeur de bande prévue est suffisante pour acheminer jusqu’à 50 % de tout le trafic de communication entre les satellites et les stations au sol, et jusqu’à 10 % du trafic Internet local dans les villes à forte densité. Elon Musk, PDG de SpaceX, déclare qu’il existe une demande non satisfaite importante de capacités à large bande à faible coût à l’échelle mondiale.

En janvier 2016, la société annonce publiquement son intention de faire voler deux prototypes de satellites en 2016 et de mettre la constellation de satellites initiale en orbite et opérationnelle vers 2020. Les deux satellites d’essai d’origine ne sont pas mis à l’essai et ne sont utilisés qu’au sol. Le lancement prévu de deux satellites révisés est reporté à 2018.

En novembre 2016, SpaceX dépose auprès de la FCC une demande pour un « système satellitaire en orbite non géostationnaire (NGSO) du service fixe par satellite utilisant les bandes de fréquences Ku et Ka ». En mars 2017, SpaceX dépose auprès de la FCC des plans pour la mise en service d’un deuxième ensemble orbital de plus de 7 500 satellites en bande V sur orbites non géosynchrones pour “fournir des services de communications » dans un spectre électromagnétique qui n’est pas encore très utilisé par les services de communications commerciaux. Appelée « constellation de l’orbite terrestre basse en bande V (VLEO), elle comprend 7518 satellites et sont en orbite à seulement 340 kilomètres d’altitude, tandis que le petit groupe initialement prévu de 4425 satellites fonctionne dans les bandes Ka et Ku, en orbite à 1200 kilomètres. Le régime de l’orbite terrestre très basse d’environ 340 km d’altitude, où la traînée atmosphérique est assez élevée, se traduit normalement par de courtes durées de vie en orbite. SpaceX n’a pas rendu publique la technologie de vol spatiale spécifique qu’elle a l’intention d’utiliser pour faire face à l’environnement à forte traînée de VLEO. Le plan de mars 2017 prévoit que SpaceX lance des satellites d’essai du type Ka/Ku initial en 2017 et 2018, et commence à lancer la constellation opérationnelle en 2019. La construction complète de la constellation à ~1200 km d’altitude pour ~4440 satellites ne doit pas être terminée avant 2024.

En 2015-2017, une certaine controverse éclate avec les autorités de régulation américaines (FCC) au sujet de l’octroi de licences d’utilisation du spectre des communications pour ces grandes constellations de satellites. Le principe réglementaire traditionnel et historique en matière d’octroi de licences d’utilisation du spectre est que les opérateurs de satellites ont la possibilité de ne lancer qu’un seul engin spatial pour respecter la date limite de mise en service [du régulateur], une politique considérée comme permettant à un opérateur de bloquer l’utilisation de fréquences radio précieuses pendant des années sans déployer l’ensemble de sa flotte. En 2017, l’autorité de régulation américaine fixe un délai de six ans pour le déploiement d’une grande constellation entière afin de se conformer aux conditions de licence. L’organisme international de réglementation, l’Union internationale des télécommunications, propose à la mi-2017 une ligne directrice qui est beaucoup moins restrictive. En septembre 2017, Boeing et SpaceX demandent à la FCC une dérogation à la règle des six ans, mais celle-ci n’est finalement pas accordée. En 2019, la FCC fixe comme règle que la moitié de la constellation doit être en orbite dans six ans, et le système complet en orbite dans neuf ans à compter de la date de la licence.

SpaceX a breveté le nom Starlink pour son réseau à large bande par satellite en 2017.

SpaceX dépose des documents à la fin de 2017 auprès de la FCC américaine pour clarifier son plan de réduction des débris spatiaux. La société « mettra en œuvre un plan d’exploitation pour la désorbitation ordonnée des satellites proches de la fin de leur durée de vie utile (environ cinq à sept ans) à un rythme beaucoup plus rapide que ne l’exigent les normes internationales. Les satellites se désorbitent en se déplaçant par propulsion vers une orbite de destruction à partir de laquelle ils retournent dans l’atmosphère terrestre dans l’année qui suit la fin de leur mission ». En mars 2018, la FCC délivre l’approbation à SpaceX sous certaines conditions. SpaceX doit obtenir une approbation distincte de l’Union internationale des télécommunications (UIT). La FCC appuie la demande de la NASA de demander à SpaceX d’atteindre un niveau de fiabilité de désorbitation encore plus élevé que la norme que la NASA utilisait auparavant pour elle-même : désorbiter de façon fiable 90 % des satellites une fois leurs missions terminées.

 

2) 2018-2019 : En mai 2018, SpaceX s’attend à ce que le coût total du développement et de la construction de la constellation avoisine les dix milliards de dollars. En novembre 2018, SpaceX reçoit l’accord des autorités réglementaires américaines pour déployer 7 518 nouveaux satellites à large bande, en plus des 4 425 approuvés précédemment. Ces premiers satellites de SpaceX sont mentionnés dans les documents réglementaires de 2016 pour être mis en orbite à des altitudes de 1110 à 1325 km, bien au-dessus de la Station spatiale internationale. La nouvelle autorisation porte sur l’ajout d’une constellation NGSO (orbite non géostationnaire de satellites) en orbite terrestre très basse, à des altitudes comprises entre 335 et 346 km, sous la Station spatiale internationale. Toujours en novembre, SpaceX dépose de nouveaux documents réglementaires auprès de la FCC pour demander la possibilité de modifier sa licence précédemment accordée afin d’exploiter environ 1600 des 4 425 satellites en bande Ka et Ku dont l’exploitation est approuvée à 1150 km dans une « nouvelle couche inférieure de la constellation » à seulement 550 km d’altitude. Ces satellites fonctionnent effectivement sur une troisième orbite, une orbite de 550 km, tandis que les orbites supérieure et inférieure à ~1200 km et ~340 km ne seront utilisées que plus tard, une fois qu’un déploiement considérablement plus important de satellites sera possible dans les dernières années du processus de déploiement. La FCC approuve la demande en avril 2019, approuvant le placement de près de 12.000 satellites dans trois coquilles orbitales : d’abord environ 1600 dans une coquille de 550 kilomètres d’altitude, puis environ 2800 en bandes Ku et Ka à 1150 km et environ 7500 en bande V à 340 km.

Les plans de plusieurs fournisseurs divers (domaines de l’Internet, le commerce, la technologie, l’armée, etc.) visant à construire des méga-constellations commerciales de milliers de satellites dans l’espace-Internet étant de plus en plus susceptibles de devenir réalité, l’armée américaine commence à effectuer des études d’essai en 2018 pour évaluer comment les réseaux peuvent être utilisés. En décembre 2018, la US Air Force émet un contrat de 28 millions de dollars pour des services d’essai spécifiques sur Starlink.

En avril 2019, SpaceX est en train de passer de la recherche et du développement à la fabrication de ses satellites, avec le premier lancement prévu d’un important lot de satellites en orbite. Starlink éprouve le besoin évident d’atteindre un taux de lancement moyen de 44 satellites spatiaux à hautes performances et à faible coût, construits et lancés chaque mois pendant les 60 prochains mois, afin de lancer les 2200 satellites nécessaires à leur attribution de licences pour les fréquences FCC. SpaceX déclare qu’il respecte l’échéance de mettre la moitié de la constellation « en orbite dans les six ans suivant l’autorisation et le système complet dans neuf ans ».


 

 

 

 

3) Le déploiement des satellites opérationnels (2019-)

Le largage dans l’espace des 60 satellites de la méga-constellation Starlink de SpaceX a lieu en mai 2019, par un lanceur unique Falcon 9 bloc 5 qui, malgré sa charge utile d’une masse totale de 13 620 kg, doit disposer de suffisamment d’ergols pour permettre l’atterrissage et la réutilisation du premier étage. Ces 60 satellites, font partie d’une sous-série de 75 prototypes qui ne disposent pas de système de liaison intersatellites. Ils doivent permettre d’identifier les problèmes de conception résiduels en vérifiant les procédures de déploiement et de désorbitage ainsi que le fonctionnement opérationnel. Ils font partie de la première phase du déploiement de la constellation Starlink qui porte sur 1584 satellites qui doivent être placés sur une orbite de 550 kilomètres avec une inclinaison orbitale de 53°. Les satellites de cette première vague doivent être répartis sur 40 plans orbitaux différents sur chacun desquels circulent jusqu’à 66 satellites. Le déploiement des satellites de cette phase nécessite l’utilisation de 24 lanceurs Falcon 9. Pour qu’un service minimal puisse débuter il faut qu’au moins 360 satellites soient placés en orbite.

Largage dans l’espace des 60 satellites de la méga-constellation Starlink de SpaceX (mai 2019


 

 

 

 

4 – Les caractéristiques techniques

Principes de fonctionnement de l’internet par satellite
L’internet par satellite utilise des satellites de télécommunications pour mettre en relation l’usager et le réseau internet. Il permet d’accéder à internet depuis un lieu non desservi par les réseaux terrestres (y compris en mer, dans le désert, en rase campagne) ou ne disposant que d’un débit réduit du fait de l’absence de fibre optique ou de l’éloignement des centraux de télécommunications. Il garantit une plus grande fiabilité de service car il n’est pas tributaire d’intermédiaires. Les fournisseurs d’accès internet par satellite existants, tels que Viasat ou Hughes Network Systems, utilisent actuellement des satellites positionnés en orbite géostationnaire. Ces satellites présentent l’avantage de pouvoir desservir pratiquement un tiers de l’hémisphère en restant en permanence au-dessus de la même région (leur vitesse orbitale est identique à la vitesse de rotation de la Terre et ils sont en orbite au-dessus de l’équateur). Un seul satellite est suffisant pour desservir l’ensemble de la zone avec comme seule limite le nombre d’usagers utilisant le service de manière simultanée. L’utilisation de l’orbite géostationnaire ne présente pas que des avantages. L’altitude du satellite est obligatoirement fixée à 36.000 km ce qui entraîne un délai notable dans la circulation des signaux qui doivent faire l’aller-retour entre la station au sol et le satellite puis entre celui-ci et le terminal de l’utilisateur du service internet. Le temps de latence, qui peut atteindre 600 millisecondes, dégrade de manière significative la réactivité lors d’appels vidéo (visioconférence) ou de l’utilisation des jeux en ligne.

 

Une constellation en orbite basse
SpaceX propose d’abaisser fortement l’altitude des satellites servant de relais pour supprimer le temps de latence. Une altitude basse présente toutefois deux inconvénients. Le satellite n’est plus fixe au-dessus d’une zone mais défile rapidement et il n’est visible que depuis une région beaucoup plus limitée de la surface de la Terre. Pour assurer une couverture planétaire, la constellation Starlink est constituée d’une première flotte de 4425 satellites qui est déployée à une altitude comprise entre 1150 et 1325 kilomètres. Chaque satellite sera visible depuis le sol dans un rayon de 1060 km sous une élévation d’au minimum 40°. La liaison internet d’un utilisateur donné est assurée par une succession de satellites défilant à une fréquence élevée. Pour assurer la coordination rendue nécessaire par ce défilement, les satellites communiqueront entre eux par liaison laser. Une fois cette constellation en place, SpaceX prévoit de lancer environ 7 518 satellites sur une orbite plus basse (340 kilomètres) pour garantir un débit élevé en accroissant la capacité du système et pouvoir entrer en compétition avec les services assurés par des réseaux terrestres.

La constellation Starlink doit comporter à terme 12.000 satellites répartis sur trois niveaux d’ici le milieu des années 2020 : 1600 doivent être placés à une altitude de 550 kilomètres, 2800 satellites émettant dans les bandes Ku et Ka doivent circuler à une altitude de 1150 km et environ 7500 satellites émettant en bande V sont placés à une altitude de 340 km. La bande V (40 à 75 GHz) qui est située immédiatement après la bande Ka (12 à 40 GHz) n’a jusque-là pas été utilisée par les satellites de télécommunications et son usage est donc expérimental. Cette gamme de fréquence est considérée comme prometteuse car elle permet de très grands débits mais elle est sensible aux fluctuations météorologiques (pluie, mauvais temps) ce qui impose des solutions de contournement.

Caractéristiques des satellites
Les deux premiers prototypes lancés en février 2018 ont une taille de 1,1 × 0,7 × 0,7 mètre et comprennent deux panneaux solaires de 2 × 8 mètres déployés en orbite. Les satellites déployés en mai 2019 qui sont toujours des prototypes et qui ne disposent pas de liaison intersatellites indispensable pour le fonctionnement du réseau internet ont une masse de 227 kilogrammes. Le satellite a une forme très aplatie sans doute rectangulaire. La plate-forme est équipée de propulseurs à effet Hall (moteurs qui utilisent l’énergie fournie par les panneaux solaires) qui produisent leur poussée en expulsant du krypton. Ce gaz remplace le xénon habituellement utilisé car il est moins coûteux mais au prix d’un rendement plus faible (l’atome de krypton est moins lourd), Ces propulseurs sont utilisés pour placer le satellite, qui est largué à une altitude de 440 km, sur son orbite opérationnelle (550 km), pour maintenir l’orientation du satellite durant sa vie opérationnelle, et pour abaisser l’orbite en fin de vie afin d’accélérer la rentrée atmosphérique et ne pas encombrer l’orbite basse. La charge utile comprend quatre antennes réseau plates, à commande de phase, chargées des liaisons montantes et descendantes. Les satellites opérationnels placés sur l’orbite la plus haute émettent en bande Ku.

Segment terrestre
La liaison entre les satellites et le réseau internet passe par des stations terriennes qui sont réparties sur l’ensemble de la planète. En février 2019, SpaceX dépose une demande auprès de la Commission fédérale des communications américaine pour un million de stations terriennes qui seront installées sur les bâtiments des abonnés au service. La demande est approuvée en mars 2020.

Terminal utilisateur et performances
Selon les informations fournies en 2017, l’utilisateur établit la connexion avec le réseau de satellites à l’aide d’un terminal qui doit avoir la taille d’un micro-ordinateur. Le débit visé est de 1 gigabit par seconde avec un temps de latence compris entre 25 et 35 millisecondes contre 600 ms pour les liaisons internet par satellite existantes et 10 ms pour les liaisons fournies par les meilleurs fournisseurs internet utilisant un réseau terrestre.

Installations au sol
La fabrication des satellites est réalisée dans un établissement de SpaceX situé à Redmond, Washington. Celui-ci abrite les activités de recherche, de développement, de fabrication et de contrôle en orbite pour le projet Internet par satellite.


 

 

 

 

 

5 – Les objectifs commerciaux du projet

Elon Musk estime que Starlink, avec 40 millions d’abonnés vers 2025 et un coût de développement et de mise en place évalué à 10 milliards de dollars, peut générer un chiffre d’affaires dix fois supérieur à l’activité des lanceurs de SpaceX, soit 30 milliards de dollars (750 dollars par abonné et par an) et ainsi financer les voyages vers Mars.

Le magazine Forbes estime le nombre d’abonnés possibles à moins de quinze millions, procurant à l’entreprise environ dix milliards de dollars de chiffre d’affaires d’ici 2025. Selon Tim Farrar (consultant en communication par satellite et chercheur ayant travaillé sur le projet Teledesic), le modèle d’affaires de Starlink est questionnable dans le contexte où la 5G devient disponible, que les opérateurs des marchés mal desservis investissent massivement dans les réseaux cellulaires terrestres et qu’en se basant sur les projections de Cisco, le prix de détail du gigaoctet des connexions à large bande existantes doit descendre sous 0,10 dollars. Par ailleurs, alors qu’en 2015 SpaceX annonce que le prix d’un terminal Starlink sera entre 100 et 300 dollars, Farrar estime qu’il coûtera plutôt au moins 1000 dollars. Le tarif mensuel de l’abonnement n’est à ce jour (mars 2020) pas connu mais pourrait se situer à 80 dollars ou en deçà.

 

Internet spatial : Starlink, la “machine à fric” d’Elon Musk pour financer les voyages vers Mars (LCI, le 24 mai 2019)
La société spatiale californienne SpaceX a déployé les 60 premiers mini-satellites de sa future méga-constellation Starlink. Le premier jalon d’un projet ambitieux visant à donner accès à Internet depuis l’espace à des milliards de personnes vivant dans les régions les plus reculées du monde et à remplir les caisses de la société.

Eric Lagadec, vice-président de la Société française d’astronomie et d’astrophysique : « On risque de perdre notre ciel simplement pour réduire la latence des jeux vidéo en ligne ou pour s’envoyer encore plus de photos de chats… ». (Le Monde du 18 février 2020)


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6 – La pollution lumineuse du ciel et de l’espace

La galaxie d’Andromède (M31), striée par les passages de satellites (longues traînées continues), avions (traînées parallèles), muons et rayons gamma (composition de 223 prises de 300 secondes chacune)

De nombreux projets de constellations de satellites sont en cours de déploiement. Chacune est composée de 500 à plus de 10.000 satellites envoyés en orbite basse, entre 300 et 1200 km d’altitude, généralement de type polaire. On recense ainsi Starlink de SpaceX (12.000 satellites, puis jusqu’à 42 000), Kuiper d’Amazon (3250 satellites), OneWeb (650 satellites), Boeing (2400) ou Samsung (4000). Ceux-ci rejoindront la petite dizaine de milliers de satellites et gros débris spatiaux déjà existants qui tournent autour de la Terre en 2019.

La multiplication de ces satellites pose le problème de la pollution lumineuse spatiale du ciel nocturne, qui s’ajoute à la pollution lumineuse terrestre. Elle n’a cependant pas les mêmes effets, notamment sur la faune et la flore qui ne sont vraisemblablement pas touchés. Elle perturbe en revanche beaucoup le travail des astronomes, professionnels et amateurs, et des photographes de paysages de nuit qui devront filtrer ces sources indésirables de lumière. Les astronomes sont donc très critiques envers les projets de constellations. Par exemple, le projet astronomique All Sky Automated Survey for SuperNovae (ASAS-SN), de l’université de l’Ohio, ou l’observatoire Lowell à Flagstaff en Arizona, voient certaines de leurs photos du ciel profond, prises avec de longs temps de pose, striées par le passage lumineux des satellites de Starlink dans le champ de leurs objectifs.

En ce qui concerne les observatoires astronomiques, l’effet dépend de plusieurs facteurs. En première approximation, de l’ordre de 1 % des observations à champ de vue étroit de l’Observatoire européen austral dans les domaines visibles et infrarouge seront affectés. En revanche, 30 à 50 % des observations à large champ réalisées en début ou fin de nuit, comme par l’Observatoire Vera-C.-Rubin, seraient rendues inexploitables ou sérieusement affectées à cause des différentes constellations de satellites ; ces télescopes verraient même leurs optiques sensibles menacées.

Un bel exemple de ciel strié par une constellation Starlink !
Depuis le bas à gauche jusqu’en haut à droite de l’image.

L’observation du ciel nocturne à l’œil nu serait aussi perturbée, surtout sous un ciel sombre, hors des centres urbains. Dans ces conditions d’observation, on pourrait compter jusqu’à 110 satellites visibles en même temps, la plupart proches de l’horizon. Aux latitudes européennes, si les satellites en orbite basse sont visibles uniquement en début et fin de nuit durant l’hiver, ils le sont tout au long de la nuit entre le printemps et l’automne, alors que le Soleil reste plus proche de l’horizon. Des centaines de flashs lumineux par nuit sont également attendus, une centaine atteignant la magnitude de Vénus ou de la Station spatiale internationale. En astronomie amateur, ces sursauts de luminosité similaire polluent ainsi les clichés pris au télescope.

La pollution lumineuse des constellations de satellites Starlink n’est pas la seule pollution engendrée. Il faut tenir compte aussi de la pollution des ondes radio. En effet, les satellites Starlink utilisent (entre autres) des moyens de communications qui se situent là où d’autres les utilisent aussi. C’est particulièrement le cas des radiotélescopes qui “écoutent” le ciel et transforment ensuite les informations recueillies en images. Ils y a sur la Terre des dizaines de radiotélescopes, souvent de très grand diamètre, qui ont fait des découvertes fondamentales par cette technique. C’est, pour ne citer qu’un seul exemple, la “première photo d’un trou noir” en 2019, obtenue par l’action combinée de 8 grands radiotélescopes combinés répartis sur la planète, appelés ensemble “Event Horizon Telescope”. Ces radiotélescopes peuvent facilement être “aveuglés” par les ondes émises par les innombrables satellites Starlink.


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7 – Trop d’objets en orbite, débris, collisions, etc. 

Il y a en orbite terrestre un peu plus de 2000 satellites fonctionnels et actifs, à des altitudes assez variées, mais aussi environ 3000 autres inactifs et non-fonctionnels, car trop vieux, obsolètes, ou derniers étages des fusées ayant lancé des satellites, etc… C’est une partie de ce qu’on appelle des “débris spatiaux”. Les débris spatiaux de grand taille comprennent les étages supérieurs des lanceurs spatiaux et les satellites artificiels ayant achevé leur mission. Mais la majorité des débris spatiaux résultent de l’explosion accidentelle d’engins spatiaux ou, phénomène récent, de leur collision. Notons aussi l’envoi par la Chine de missiles destructeurs de satellites. La dimension de ces débris peut aller d’une fraction de millimètre à la taille d’un bus. L’United States Strategic Command, qui les référence dans un catalogue public, recense en 2019, 5400 objets de plus de 1 m en orbite géostationnaire, 34.000 objets de plus de 10 cm circulant en orbite basse (dont 5000 satellites et 2000 satellites actifs), et, selon un modèle statistique de l’ESA 900.000 objets de plus de 1 cm et 130.000.000 d’objets de plus de 1 mm. Or, au fil du temps, ces débris perdent de l’altitude et finissent par se désintégrer en entrant dans l’atmosphère. Le problème est qu’avant de se désintégrer, ils peuvent entrer en collision avec d’autres satellites, ce qui provoque l’éparpillement de petits morceaux, généralement métalliques qui, à leur tour peuvent entrer en collision avec d’autres satellites, etc.

Ce phénomène s’appelle le syndrome de Kessler. C’est un scénario déjà envisagé en 1978 par le consultant de la NASA Donald J. Kessler, dans lequel le volume des débris spatiaux en orbite basse dû à la pollution spatiale atteint un seuil au-dessus duquel les objets en orbite sont fréquemment heurtés par des débris, et se brisent en plusieurs morceaux, augmentant du même coup et de façon exponentielle le nombre des débris et la probabilité des impacts. Au-delà d’un certain seuil, un tel scénario rendrait quasi impossible l’exploration spatiale et même l’utilisation des satellites artificiels pour plusieurs générations. Si c’était déjà un problème pertinent en 1978, que dire 42 ans plus tard !!

Que va-t-il se passer quand Starlink aura lancé 42.000 satellites supplémentaires et que la population totale de ces objets aura été multipliée par presque 10 ! Il faut savoir que, malgré leur nombre relativement restreint aujourd’hui, les débris spatiaux situés en orbite constituent une menace pour les engins spatiaux en activité du fait de leur énergie cinétique très élevée. Avec une vitesse moyenne en cas d’impact de 10 km/s, l’énergie cinétique (0,5 x masse x vitesse2) d’un débris spatial de 10 grammes est supérieure à celle d’un véhicule d’une tonne percutant un mur à 100 km/h !

Et Starlink fait des émules… Certains projets futurs ou déjà commencés sont le fruit de sociétés comme OneWeb (Royaume-Uni), qui a déjà lancé en 2019 les premiers éléments d’une constellation de 5260 satellites et les suivants arrivent, Amazon annonce plus de 3200 satellites pour son projet Kuiper à partir de 2021, Lynk et Facebook parlent de milliers de satellites entre 2021 et 2023, et ce décompte n’intègre même pas les projets de la Chine, de la Russie ou de la Corée du Sud.

Quelques uns des projets en cours d’étude ou ayant déjà reçu un commencement d’exécution


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8 – Les controverses

 

La position des plaignants

En multipliant le nombre d’objets en orbite, les projets de mégaconstellations de fournisseurs d’accès à Internet par satellite soulèvent des inquiétudes et critiques à travers le monde. D’une petite dizaine de milliers en 2020, ces objets seraient en effet plusieurs dizaines de milliers à terme.

Débris spatiaux
La multiplication des satellites lancés fait craindre la multiplication du nombre potentiel des débris spatiaux susceptibles d’être générés par ce type de projet. En effet, au risque de collision des satellites en fonctionnement s’ajoute celui de pannes, qui rendraient incontrôlables les satellites, risque d’autant plus élevé qu’ils sont nombreux. Dans le pire des cas, un syndrome de Kessler rendrait les orbites basses totalement impraticables.

En septembre 2019, l’agence spatiale européenne ordonne à l’un de ses satellites, ADM-Aeolus, d’effectuer une manœuvre afin d’éviter une collision potentielle avec Starlink 44. Ce dernier, mis en orbite quelques mois plus tôt à 550 kilomètres d’altitude, est ensuite utilisé pour tester des manœuvres de désorbitation. Starlink le place sur une orbite plus basse, en dessous de 350 km, ce qui le rapproche dangereusement du satellite d’observation de l’agence spatiale européenne ; les chances de collision étant estimées à un pour mille, une probabilité dépassant le seuil d’alerte de l’agence.

Pollution lumineuse spatiale
De nombreux projets de constellations de satellites sont en cours de déploiement. Chacune est composée de 500 à plus de 10.000 satellites envoyés en orbite basse, entre 300 et 1200 km d’altitude, généralement de type polaire. On recense ainsi Starlink de SpaceX (12.000 satellites, puis jusqu’à 42 000), Kuiper d’Amazon (3250 satellites), OneWeb (650 satellites), Boeing (2400) ou Samsung (4000). Ceux-ci rejoindront la petite dizaine de milliers de satellites et gros débris spatiaux déjà existants qui tournent autour de la Terre en 2019.

La multiplication de ces satellites pose le problème de la pollution lumineuse spatiale du ciel nocturne, qui s’ajoute à la pollution lumineuse terrestre. Elle n’a cependant pas les mêmes effets, notamment sur la faune et la flore qui ne sont vraisemblablement pas touchés. Elle perturbe en revanche beaucoup le travail des astronomes, professionnels et amateurs, et des photographes de paysages de nuit qui devront filtrer ces sources indésirables de lumière. Les astronomes sont donc très critiques envers les projets de constellations. Par exemple, le projet astronomique All Sky Automated Survey for SuperNovae (ASAS-SN), de l’université de l’Ohio, ou l’observatoire Lowell à Flagstaff en Arizona, voient certaines de leurs photos du ciel profond, prises avec de longs temps de pose, striées par le passage lumineux des satellites de Starlink dans le champ de leurs objectifs.

En ce qui concerne les observatoires astronomiques, l’effet dépend de plusieurs facteurs. En première approximation, de l’ordre de 1 % des observations à champ de vue étroit de l’Observatoire européen austral dans les domaines visibles et infrarouge seront affectés. En revanche, 30 à 50 % des observations à large champ réalisées en début ou fin de nuit, comme par l’Observatoire Vera-C.-Rubin, seraient rendues inexploitables ou sérieusement affectées à cause des différentes constellations de satellites ; ces télescopes verraient même leurs optiques sensibles menacées.

L’observation du ciel nocturne à l’œil nu serait aussi perturbée, surtout sous un ciel sombre, hors des centres urbains. Dans ces conditions d’observation, on pourrait compter jusqu’à 110 satellites visibles en même temps, la plupart proches de l’horizon. Aux latitudes européennes, si les satellites en orbite basse sont visibles uniquement en début et fin de nuit durant l’hiver, ils le sont tout au long de la nuit entre le printemps et l’automne, alors que le Soleil reste plus proche de l’horizon. Des centaines de flashs lumineux par nuit sont également attendus, une centaine atteignant la magnitude de Vénus ou de la Station spatiale internationale. En astronomie amateur, ces sursauts de luminosité similaire polluent ainsi les clichés pris au télescope.

En février 2020, plus de 1500 astronomes signent une pétition comportant six demandes, dont une protection légale des installations terrestres d’observation astronomiques, ainsi qu’un moratoire sur les lancements de Starlink et des autres constellations de satellites. La pétition demande également que les organismes comme la Commission fédérale des communications (FCC) américaine se montrent plus prudents quant à l’octroi d’autorisations de mise en orbite basse de satellites. Selon Ramon Ryan (étudiant en droit) et l’organisation non gouvernementale Public Employees for Environmental Responsibility, la FCC aurait d’ailleurs enfreint, aux États-Unis, la loi nationale sur l’environnement (NEPA) en autorisant le déploiement de SpaceX.

Sauf que, selon Ramon Ryan, étudiant en droit à l’université Vanderbilt (Tennessee), la FCC pourrait avoir enfreint une loi sur l’environnement en signant le projet de déploiement de SpaceX (qui envisage la mise en orbite de 12.000 satellites, et même 42.000 à plus long terme). Cet étudiant a commencé à s’intéresser au projet de SpaceX et aux autorisations de la FCC après avoir entendu l’agacement d’astronomes au sujet de la pollution visuelle engendrée par ces petits satellites.

Les scientifiques subissent déjà un parasitage lors de leurs observations et craignent que les choses deviennent insurmontables par la suite. Si bien que la communauté d’astronomes demande à SpaceX d’arrêter de « détruire le ciel », ajoutant que cela met en péril les sciences astronomique et cosmologique elles-mêmes, par exemple la surveillance d’objets massifs extraterrestres susceptibles d’impacter notre planète.

Aucune étude d’impact menée
Dans ce contexte, Ramon Ryan fait le lien entre l’activité de Srarlink et la loi Nepa (pour National Environmental Policy Act) qui, votée en 1970, oblige les agences fédérales à évaluer l’impact environnemental de leurs décisions. Sauf que la FCC jouit d’une exemption et n’est en réalité obligée de conduire des études d’impact que dans le cadre de projets prévoyant un éclairage à très haute intensité. Ce n’est pas le cas ici et SpaceX a répondu par la négative à l’une des questions figurant sur la demande d’autorisation transmise à la FCC, demandant si le projet en question aurait un impact environnemental significatif.

Chez Business Insider, qui consacre un article très complet à cette affaire, Kevin Bell, conseiller juridique d’une ONG spécialiste des questions environnementales, déclare : « La loi Nepa a été conçue avant l’exploration spatiale à grande échelle […] Il s’agit d’un argument valable à mon sens. La beauté du ciel nocturne et le travail de recherche scientifique fait par les astronomes en observant l’espace sont deux points environnementaux couverts par la loi. Un dossier devrait donc être ouvert à ce sujet ».

 

Un autre scandale

Contrairement aux altitudes prévues dans l’accord demandé initialement, la FCC autorise par deux fois Starlink à abaisser l’altitude de ses constellations de satellites, ce qui les rend à la fois beaucoup plus visibles et brillants dans le ciel et plus dangereux quant à des collisions éventuelles.

Des satellites opérés deux fois moins haut que prévu
D’un point de vue réglementaire, la bataille que mène SpaceX actuellement pour Starlink auprès de la Federal Communication Commission (FCC) concerne la validation d’un changement des conditions d’exploitation de ses satellites. En effet, à l’origine, la FCC avait approuvé le déploiement de 4 425 satellites à des altitudes se situant entre 1 110 et 1 325 km. Il y a tout juste un an, le même organisme autorisait SpaceX à opérer 1 584 de ces satellites à seulement la moitié de cette altitude (entre 540 et 570 km, plus précisément). Et aujourd’hui, l’entreprise espère se voir accorder l’exploitation de l’ensemble des 4 425 satellites en orbite basse à cette plus faible altitude.

Bien sûr, techniquement, cela permettrait à Starlink d’être plus performant, limitant le trajet que doivent parcourir les données en transit entre la Terre et les satellites, ce qui aurait des répercussions sur les débits, mais aussi, et surtout, sur la latence. Les sociétés qui développent des réseaux Internet satellitaires en orbite basse espèrent pouvoir proposer à terme à leurs clients des connexions presque aussi performantes que celles en fibre optique.

 

La position de la FCC

Qu’est-ce que la FCC ?
C’est la “Federal Communication Commission” (Commission Fédérale des Communications) un organisme officiel américain “indépendant”, créé en 1934 pour limiter et réguler d’abord les stations de radio, puis de télévision, avec des autorisations d’émettre sur certaines fréquences. La FCC a aussi un droit de regard sur les contenus et maintenant sa compétence s’étend à Internet. Sa gouvernance est assurée par 5 commissaires qui sont nommés pour cinq ans par le Président des États-Unis. Leurs mandats sont décalés de sorte qu’on n’en change qu’un seul par an. Sa juridiction s’étend sur tout le territoire américain. Ils ont ouvertement une appartenance politique (républicain ou démocrate) et seuls 3 membres sur 5 peuvent être du même parti. La FCC a de nombreux bureaux et sous-divisions, emploie près de 1700 personnes et son siège social est situé dans la capitale fédérale, Washington D.C.

Par une extension de ses prérogatives dans le domaine de la surveillance du spectre des ondes électromagnétiques elle contrôle aussi les études et les communications spatiales et leurs équipements.

Pour la FCC, tout est en règle.
En pratique, une telle procédure pourrait stopper — au moins temporairement — les futurs lancements de satellites Starlink. Mais la FCC réfute cette théorie : pour la Federal Communications Commission, tout est en règle et documenté. Si l’agence dit comprendre les préoccupations des astronomes, elle indique que cette problématique n’a jamais été évoquée dans aucune procédure préalable. Or, justement, puisqu’aucune étude d’impact n’a été menée, Ramon Ryan pense qu’il serait impossible pour la FCC de défendre l’absence d’effets significatifs devant la justice.

Ces petits satellites sont très lumineux et le simple passage de 19 d’entre eux devant les télescopes a déjà perturbé pendant plus de 5 min la bonne observation des étoiles. Les astronomes craignent donc de perdre à terme de longues minutes, voire des heures, d’observation chaque nuit. À la lueur de ces avancées juridiques, la communauté d’astronomes pourrait donc décider d’attaquer la FCC en justice pour infraction à la loi NEPA.

La question majeure qui se pose est celle de la compétence et de la légitimité d’une organisation américaine qui se permet de délivrer des autorisations d’utilisation de l’espace, un espace qui n’est pas américain mais qui appartient à la Terre entière. En politique ça s’appelle purement et simplement de “l’impérialisme”. La FCC est américaine, mais elle se permet de prendre des décisions qui ont un impact sur plus de 7 milliards d’individus ! C’est un abus de pouvoir caractérisé.

Une autre question, qui n’est pour l’instant que le fruit de suppositions ou de doutes, émerge parmi certains observateurs : La FCC, organisation purement américaine, ne favorise-t-elle pas certaines entreprises ou organisations américaines, par intérêt stratégique, économique ou autres… ? N’y a-t-il pas ici des conflits d’intérêt ? En effet, SpaceX qui est la maison-mère de Starlink, fabrique des fusées dont le premier étage peut être réutilisable (ce qui est d’ailleurs très bien). L’un de ses principaux clients est la NASA, l’agence américaine d’astronomie et de l’espace (mais qui est également une organisation stratégique), achète des fusées à SpaceX. La Marine et l’Armée américaines se sont montrées intéressées par les possibilités des réseaux Starlink et envisagent de passer commande… Intérêt technologique, mais aussi “stratégique”. Boeing, le constructeur d’avions se dit également intéressé… Nous ne jouons pas ici à être des “complotistes”, mais des questions peuvent se poser sur ces relations américano-américaines.

En dehors de cela, une loi a été votée dans les années 1970 aux Etats-Unis, la loi “NEPA”, National Environmental Policy Act, qui est chargée de protéger l’environnement, de veiller aux excès de l’industrialisation et de la croissance des villes et à limiter la pollution, etc. Toutes les agences gouvernementales américaines ont l’obligation de se conformer aux décisions de la NEPA, sous peine de procès et/ou d’annulation de leurs agissements. Mais le “tendon d’Achille” de cette loi est qu’elle est accompagnée d’un certain nombre de restrictions qui concernent des points où le NEPA ne peut plus intervenir. Ces “exemptions” peuvent être décidées par décret et donc par l’exécutif américain. 

Et, sur le sujet qui nous intéresse ici, la loi NEPA oblige les agences fédérales à évaluer l’impact environnemental de leurs décisions. Sauf que la FCC jouit d’une exemption et n’est obligée de conduire des études d’impact que dans le cadre de projets prévoyant un éclairage à très haute intensité. Ce n’est pas le cas ici et SpaceX a répondu par la négative à l’une des questions figurant sur la demande d’autorisation transmise à la FCC, demandant si le projet en question aurait un impact environnemental significatif. Mais bien sûr, cette exemption a été formulée bien avant que l’espace soit envahi par des hordes de satellites et, à l’époque, ne concernait en fait que les éclairages terrestres. Il est clair que cette exemption devrait être actualisée à la réalité d’aujourd’hui mais, dans les textes, cela n’a pas été fait.

 

La position et les réponses d’Elon Musk aux critiques

Pour Elon Musk, les satellites de Starlink ne sont pas un problème pour les astronomes

Au sens strict, il n’a violé ou contourné aucune loi. Après avoir élaboré son projet, il a déposé un dossier à la FCC en demandant l’autorisation de le mettre en pratique. Tout au plus peut-on l’accuser de mensonge par omission en ayant délibérément sous-estimé les conséquences très graves que pouvaient générer son projet. Il a aussi, par deux fois, demandé des modifications quant à l’altitude de fonctionnement de ses flottes de satellites. Ceci en contradiction avec les données initiales présentées dans le projet. Mais la FCC lui a accordé ces modifications, donc où se trouve le problème pour lui ? Nulle part !

Starlink, la mégaconstellation de SpaceX, a soulevé les inquiétudes des astronomes qui craignent que l’observation astronomique n’en soit gênée, quand d’autres scientifiques voient dans le déploiement de ces milliers de satellites une atteinte au ciel nocturne, ce « patrimoine de toutes les nations du monde. » Elon Musk s’est voulu rassurant tout en maintenant ses positions face aux critiques.

Elon Musk a écarté les inquiétudes des astronomes à propos de sa constellation géante de satellites Starlink qui pourrait, selon certains scientifiques, gêner l’observation du ciel, mais dont le patron de Space X a prédit qu’elle n’aurait « pas la moindre incidence sur les découvertes astronomiques ». Le projet Starlink doit permettre de fournir internet à des utilisateurs depuis l’espace. Quelque 300 satellites ont déjà été placés en orbite, et ce nombre doit rapidement augmenter, potentiellement jusqu’à 42.000.

Un vent de panique avait soufflé après le lancement des 60 premiers satellites en mai dernier, qui avaient formé une chaîne de 60 points brillants laissant craindre une pollution visuelle qui gâche à terme les observations au télescope. « Je suis persuadé que nous ne causerons pas le moindre impact sur les découvertes astronomiques. Zéro, a déclaré le fondateur de Space X lors d’une conférence de presse à Washington. C’est ma prédiction, nous prendrons des mesures correctives si c’est au-dessus de zéro ».

Elon Musk prédit zéro souci
Il a affirmé que le problème se posait uniquement lorsque les satellites étaient en train de prendre de l’altitude pour se placer en orbite, et n’existait plus lorsqu’ils avaient atteint leur position finale. M. Musk a dit malgré tout que son entreprise travaillait avec la communauté scientifique pour réduire leur brillance. Conscient de ce problème, Elon Musk a annoncé avoir demandé à ses équipes de réduire l’albédo (la capacité à réfléchir la lumière) des prochains satellites Starlink, par exemple en peignant certaines parties en noir plutôt qu’en blanc.

La constellation devrait être mise en marche pour le nord des États-Unis et le Canada dans l’année, avec une couverture mondiale prévue pour 2021. Elon Musk n’a pas donné de détails sur le futur prix de son service. La puissance sera suffisante pour regarder sans problème des films en haute définition ou jouer à des jeux vidéo sans temps de latence sensible.

Le terminal permettant de recevoir le signal ressemblera à « un ovni sur un bâton », a-t-il dit, assurant que son installation serait très facile. « Le coffret contiendra uniquement deux instructions, qui pourront être suivies dans n’importe quel ordre : pointez vers le ciel, et branchez. » L’antenne s’alignera alors automatiquement avec un des satellites.

Le service vise en priorité le marché de niche des utilisateurs vivant dans des régions isolées, ce qui ne menace donc pas les entreprises de télécommunications traditionnelles, selon Elon Musk, qui espère à terme gagner 3 à 5 % du marché mondial de l’internet, une part évaluée à 30 milliards de dollars par an.

 

Mais…

Quoi qu’en dise Elon Musk, convaincu que sa constellation se fondra dans le paysage, l’encombrement de l’orbite basse et le risque de collisions sont les deux principaux problèmes déjà identifiés. Sur les 60 premiers satellites Starlink lancés en mai 2019, trois ont été perdus et sont devenus des débris incontrôlables ! Bien que SpaceX affirme qu’elle possède des dispositifs pour désorbiter les satellites en panne de façon à éviter toute collision avec d’autres satellites, elle ne peut évidemment rien pour ceux dont le contact ou le contrôle a été perdu. Rappelons que début septembre, l’Agence spatiale européenne (ESA) a dû effectuer une manœuvre d’évitement d’Aeolus, un de ses satellites d’observation de la terre, afin d’empêcher une collision avec l’un des 60 satellites de la constellation Starlink.


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9 – Les moyens de lutte contre ce type de projet 

Solutions : Que peut-on faire pour stopper ce scandale dommageable à l’ensemble de l’humanité ?

Faut-il instaurer un permis de conduire spatial ?
De nombreux experts s’interrogent sur la nécessité d’édicter un “code de la route” pour organiser le trafic spatial, comme c’est le cas sur Terre pour le trafic aérien et maritime par exemple. Il est aussi envisagé de saisir le bureau de l’ONU en charge des questions spatiales et l’Union internationale des télécommunications pour fixer de nouvelles règles et des normes plus strictes sur les projets de méga-constellations comme ceux de Starlink et OneWeb. Pour l’heure, la seule règle à peu près bien suivie par les agences et très peu par les opérateurs privés de la nouvelle économie du spatial, est celle dite des 25 ans qui impose que tout satellite en orbite basse soit rentré dans l’atmosphère avant un quart de siècle. Mais cette règle n’a pas force de loi.

Enfin, ces satellites sont aussi une gêne significative pour les astronomes qui craignent que tous ces points brillants dans la nuit ne gâchent les observations de leurs télescopes.

Que pourrait-on faire pour empêcher à l’avenir (et même au présent) que de tels projets puissent être envisagés et surtout mis en œuvre ?

 

Les actions à mettre en œuvre

A) Au niveau international

Il est du ressort de l’ONU et de ses organisations (UNESCO, etc.), appuyées par l’Union Astronomique Internationale et les états membres de faire respecter des lois internationales qui existent : 

SpaceX, société privée, a reçu la permission par la FCC de lancer ces satellites en orbite. Il pourrait ici y avoir une plainte recevable pour demander au système légal américain d’arrêter les lancements de Starlink.

De plus, et c’est très important, il existe un Traité International de l’Espace extra-atmosphérique signé en 1967.

Ce traité prévoit (articles 1 et 2) une liberté d’accès des États à l’espace extra-atmosphérique, sans que l’un d’entre eux puisse se l’approprier. (…). Les gouvernements terriens sont de plus interdits de s’arroger une ressource stellaire comme la leur, telle que la Lune ou une planète. Les États s’obligent également à prêter assistance aux astronautes, quelle que soit leur nationalité (article 5). Le traité institue (article 6) une responsabilité des États pour les activités commises dans l’espace extra-atmosphérique non seulement par des organismes gouvernementaux mais également par des entités non gouvernementales, par exception aux règles habituelles du droit international. Il indique que les activités non-gouvernementales dans l’espace, comprenant la Lune et les corps célestes, doivent obtenir l’autorisation préalable, puis la surveillance permanente de l’État membre concerné par le traité. L’État est également (article 7) responsable des dommages causés par le lancement d’un objet dans l’espace.

Ce traité, signé aussi par les États-Unis précise qu’aucune société privée ne peut opérer dans l’espace, seuls les gouvernement le peuvent. Cela implique que le gouvernement américain est légalement responsable de tous les objets envoyés dans l’espace depuis le sol américain. Donc le gouvernement américain est responsable des dommages causés par Starlink (ou d’autres). Dans le cadre de cette loi internationale, tout pays concerné par les dommages de Starlink peut attaquer le gouvernement des Etats-Unis devant la Cour Pénale Internationale de La Haye. Ces dommages sont préjudiciables à notre héritage culturel, le ciel nocturne, et génèrent des dommages financiers générés par la perturbation des ondes radio et d’autres types d’activités astronomiques.

Cependant, les États-Unis ont voté de leur côté, et unilatéralement une loi, le “SPACE ACT” en 2015 qui est une mise à jour du droit de l’espace américain. Elle touche le domaine du vol spatial privé et commercial ainsi que l’industrie minière. Cette mise à jour législative fédérale spécifie que les citoyens américains peuvent entreprendre l’exploration et l’exploitation commerciales des « ressources spatiales ». La législation inclut l’eau et les minéraux, mais exclut la vie. Elle précise également que Les États-Unis n’affirment pas [par cette loi] leur souveraineté, règne ou droits exclusif ou prioritaire, ni la possession, d’aucun corps céleste. Bien que les États-Unis s’en défendent, cette loi, décidée unilatéralement, est susceptible de violer le traité international de l’espace de 1967, relatif à l’exploration et à l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique.

Il nous paraît évident que cette loi est en contradiction flagrante avec le Traité International sur l’utilisation de l’espace et que ses “soi-diant autorisations” pourraient être poursuivies comme enfreignant les termes du Traité et des lois internationales.

 

Que faire ?

1. Poursuivre la FCC à cause de la pollution lumineuse dont il n’a pas été tenu compte par elle. Le manque d’examens de ces projets viole la loi NEPA qui oblige les agences fédérales à considérer les impacts environnementaux de tous les projets avant de les approuver. L’autorisation donnée à Starlink devrait être considérée comme illégale.

2. Poursuivre la FCC pour défaut de juridiction et de jurisprudence d’autoriser des satellites privés non-géostationnaires de passer au-dessus d’autres nations.

3. Poursuivre devant la Cour Pénale Internationale le gouvernement américain et l’obliger à arrêter dès à présent les lancements futurs de Starlink pour quantifier les pertes des finances publiques d’autres états en endommageant l’astronomie nationale et internationale.

 

B) Au niveau des astronomes

Une pétition internationale a été lancée en janvier 2020 et, jusqu’à présent, des milliers d’astronomes travaillant dans des observatoires ont signé. D’autres lettres ouvertes sont préparées avec les mêmes préoccupations : aucune loi internationale ne restreignant les méga-constellations de satellites, il faudrait un accord international entre les états est nécessaire dans la mesure où ces satellites ne peuvent pas rester au-dessus d’un seul état. La plupart des griefs sont les mêmes que ceux qui ont été exprimés plus haut. 

Les requêtes de la communauté astronomique sont : 

1. Obtenir une protection légale pour les établissements d’observation astronomiques terrestres, dans toutes les longueurs d’onde du spectre électromagnétique.

2. Arrêter tous les lancements Starlink (et les autres projets) et de décider un moratoire sur toutes les technologies qui ont un impact négatif sur les observations astronomiques, quelles soient au sol ou dans l’espace, ou qui ont un effet négatif sur les investissement scientifiques , technologiques et économiques que les états engagent dans des projets en astronomie ou en astrophysique.

3. Mettre en place une évaluation claire des risques encourus par les observatoires (des pertes scientifiques et économiques), en donnant de strictes lignes directrices aux individus, sociétés et industries avant de planifier des investissements sans avoir conscience des effets négatifs sur des équipements astronomiques de premier plan.

4. Exiger une “orchestration” mondiale, où les agences astronomiques nationales et internationales peuvent imposer un droit de véto sur tus les projets ayant des interférences négatives avec les observatoires.

5. Limiter et réguler le nombre de flottes de au nombre “strictement nécessaire” et ne les mettre en orbite que quand les vieux satellites obsolètes seront désorbités, en fonction du traité de l’espace.

 

Conclusions

Toutes ces demandes sincères sont faites pour continuer à surveiller de possibles nuisances sur la Terre et de protéger l’humanité. Il est absolument indispensable de sauvegarder nos investissements scientifiques et économiques fournis par des institutions internationales et nationales. Les scientifiques sont menacés d’être empêchés d’accéder à la connaissance du Cosmos et de perdre des acquis d’une valeur incommensurable pour l’humanité. Dans ce contexte il est absolument nécessaire de mettre en place les mesures pour protéger notre ciel et d’être en conformité avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme pour les Futures Générations. La liberté d’une personne s’arrête là où commence celle des autres.

Il y a surtout quelque chose à faire, en essayant de mettre en œuvre toutes ces procédures, c’est d’aller vite, très vite, le plus vite possible ! On connait trop la lenteur des lourdes organisations internationales comme l’ONU ou l’UNESCO. Tout en ayant des dossiers solides, on devra éviter de perdre un temps fou en palabres et en réunions plus ou moins stériles. Si l’on attend des mois, voire des années, avant d’agir, il sera alors déjà trop tard pour ne pas avoir au-dessus de nos têtes des dizaines de milliers de satellites, Starlink mais aussi toutes les sociétés qui rêvent de lui emboîter le pas.

Il faut surtout taper vite et fort, surtout là où ça fait mal : au portefeuille !


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10 – Article 1 – Business Insider

L’autorisation donnée à SpaceX pour le lancement de ses centaines de satellites pourrait être illégale, selon des experts

© BusinessInsider

Un astronome des Pays-Bas a capturé le train de satellites de Starlink en train de passer dans le ciel peu après leur lancement. Vimeo/SatTrackCam Leyde

Une agence fédérale américaine pourrait avoir enfreint la loi lorsqu’elle a accordé la licence à SpaceX pour le lancement de milliers de satellites, selon un article d’un étudiant américain qui sera prochainement publié. Des astronomes mécontents pourraient potentiellement intenter des poursuites judiciaires. La Commission fédérale des communications des États-Unis (la Federal Communications Commission, ou FCC) a approuvé en mars 2018 la demande de SpaceX de lancer des milliers de satellites dans l’espace — dans le cadre du plan de l’entreprise spatiale visant à créer une méga constellation de satellites pour fournir une couverture Internet haut débit à la Terre entière.

SpaceX a déjà lancé 180 de ces satellites dans l’espace et prévoit d’envoyer d’autres lots supplémentaires toutes les deux semaines en 2020, pour atteindre un total de 1 400 satellites d’ici la fin de l’année. La société espère venir à bout de ce projet, appelé Starlink, en 2027. D’ici là, le réseau pourrait comprendre jusqu’à 42 000 satellites, soit près de 20 fois le nombre de satellites opérationnels en orbite aujourd’hui.

Mais selon Ramon Ryan, étudiant en deuxième année de droit à l’université américaine de Vanderbilt dans le Tennessee, la FCC pourrait avoir violé une loi fédérale sur l’environnement lorsqu’elle a autorisé le projet de SpaceX. Deux experts juridiques sont d’accord avec lui, mais la FCC réfute cette idée.

L’article de Ramon Ryan sur ce potentiel problème, repéré en premier par Jonathan O’Callaghan pour le magazine Scientific American, devrait être publié courant 2020 dans le Vanderbilt Journal of Entertainment and Technology Law, une prestigieuse publication étudiante spécialisée dans la technologie et la propriété intellectuelle. L’étudiant américain a également partagé son article avec Business Insider US.

« La FCC s’est exposée à un potentiel procès », a déclaré Ramon Ryan.

La FCC a approuvé les lancements de satellites sans étudier leur impact sur l’environnement

Ramon Ryan a expliqué qu’il avait commencé à faire des recherches sur les détails de la licence d’autorisation de Starlink délivrée par la FCC après avoir lu des articles expliquant que les satellites de Starlink en orbite basse terrestre perturbaient les observations des astronomes au télescope.

« S’il y a beaucoup, beaucoup d’objets brillants en mouvement dans le ciel, cela complique énormément notre travail », a déclaré l’astronome James Lowenthal au New York Times. « Cela pourrait potentiellement menacer la science de l’astronomie elle-même ».

Ramon Ryan voulait savoir si les astronomes pourraient intenter une quelconque action en justice. Le cœur de son article repose sur la National Environmental Policy Act (NEPA), une loi de politique environnementale américaine promulguée en 1970. Elle oblige les agences fédérales à évaluer l’impact environnemental de leurs activités avant d’entreprendre une action.

Mais certaines agences se voient accorder des « exemptions catégorielles » pour certaines activités et tâches de base qui n’affectent pas l’environnement — comme la gestion des salaires, la collecte de données ou l’installation d’un système de sécurité au bureau.

Dans le cas de la FCC, il existe une exemption catégorielle générale qui couvre la plupart des missions de l’agence, y compris l’autorisation d’activités pour des entreprises tierces.

« Il y a d’autres agences qui utilisent des exemptions catégorielles, mais je ne pense pas qu’il en existe une autre aussi vaste que celle-ci », a déclaré au magazine Scientific American Kevin Bell, conseiller juridique de l’ONG Public Employees for Environmental Responsibility. 

La FCC est tenue d’effectuer des examens sur l’impact environnemental, dans le cadre de la loi NEPA, uniquement pour les projets qui impliquent un « éclairage à haute intensité », qui exposent des humains à des niveaux dangereux d’ondes radiofréquences ou qui impliquent des installations sur des terres protégées.

« C’est une politique qui a été conçue à une autre époque, avant l’exploration spatiale à grande échelle », a ajouté Kevin Bell.

Le premier lot de 60 satellites Internet à haut débit Starlink, pesant chacun environ 500 livres (plus de 220 kilogrammes), empilés à plat avant leur lancement à bord d’une fusée Falcon 9 le 23 mai 2019.SpaceX via Twitter

Dans sa demande d’autorisation à la FCC, SpaceX a répondu « Non » à une question qui demandait si le projet « aurait un impact environnemental significatif ». Cette réponse négative signifie que personne n’a dû mener une évaluation prévue par la loi NEPA sur les effets des satellites sur l’environnement. SpaceX n’a pas souhaité commenter cette information.

La FCC a-t-elle enfreint la loi NEPA ?
Sans avoir mené d’étude sur le sujet, dit Ramon Ryan, la FCC ne peut pas confirmer que des projets comme Starlink n’ont pas d’impact environnemental significatif. Cela signifie que l’agence gouvernementale pourrait avoir enfreint la loi NEPA lorsqu’elle a appliqué la politique d’exemption catégorielle au projet de SpaceX. 

« Je pense qu’on peut raisonnablement avancer l’argument de la loi NEPA », a déclaré Kevin Bell. « La beauté du ciel nocturne [et], pour les astronomes, la capacité de mener des recherches scientifiques en faisant des observations du ciel nocturne sont deux impacts qui seraient couverts par la loi. Il devrait donc y avoir un dossier ouvert là-dessus ».

Lors de précédentes actions en justice, les tribunaux ont pris des décisions à l’encontre des agences gouvernementales qui appliquaient des politiques d’exemptions catégorielles à des activités dont ils n’avaient pas analysé l’impact environnemental.

« Le but ultime de ce litige est de faire annuler l’exemption catégorielle générale de la FCC, et de ne les autoriser à l’appliquer qu’à des cas très spécifiques », a déclaré Ramon Ryan.

Si quelqu’un devait intenter un procès à la FCC sur cette question, un juge pourrait ordonner de temporairement arrêter les futurs lancements des satellites Starlink.

Mais la FCC ne pense pas que l’argument de Ramon Ryan tient la route. « Nous rejetons fermement cette théorie », a déclaré un porte-parole de la FCC dans une déclaration à Business Insider US. « L’action de la FCC en approuvant à l’unanimité le déploiement des satellites de SpaceX était tout à fait légale. L’ordonnance fournit une justification juridique suffisante basée sur les documents publics — qui d’ailleurs ne contiennent aucun commentaire allant dans le sens de ces nouvelles critiques ». Le porte-parole a ajouté que l’agence est consciente des « préoccupations soulevées par l’effet des satellites du système Starlink sur les observations des astronomes », mais a déclaré que « cette question n’a été évoquée dans aucune procédure de la FCC ».

Les méga-constellations de satellites pourraient cacher les étoiles
La pire crainte des astronomes à propos de Starlink est que la méga-constellation de satellites lumineux pourrait complètement cacher les étoiles, empêchant les chercheurs d’observer l’univers depuis la Terre.

« Les nouvelles mégaconstellations qui seront opérationnelles pourraient être plus brillantes que 99% de tout ce qui se trouve en orbite terrestre, et c’est de là que vient l’inquiétude », a déclaré Patrick Seitzer, un astronome de l’Université du Michigan, à la revue scientifique Nature.

SpaceX s’est engagé à trouver des moyens de réduire l’impact des satellites Starlink sur l’astronomie. Dans un lot de satellites lancés le 6 janvier, la société a inclus un satellite expérimental peint avec un revêtement noir pour le rendre moins réfléchissant et, espérons-le, moins lumineux dans le ciel nocturne.

D’autres entreprises, dont OneWeb, Amazon et Telesat, ont eux aussi des plans similaires pour lancer des constellations de centaines de satellites. Certaines se coordonnent déjà avec les astronomes. OneWeb, par exemple, a déclaré vouloir s’assurer que ses satellites ne sont pas trop lumineux. L’entreprise Télésat, quant à elle, a déclaré qu’elle enverrait ses satellites sur une orbite suffisamment haute pour qu’ils disparaissent de notre vue dans le ciel.

Ramon Ryan pense qu’étant donné que la FCC n’a pas étudié les impacts environnementaux des constellations de satellites de SpaceX, l’entreprise aurait du mal à défendre devant un tribunal son affirmation selon laquelle elles n’ont pas d’effets significatifs.

« Si les astronomes sont affectés dans leur travail, si cela les empêche de faire leur travail, alors ils devraient au moins avoir le droit d’aller se défendre devant un tribunal fédéral », a déclaré Sarah Bordelon, une avocate en droit de l’environnement du cabinet Holland & Hart, à Scientific American. 

Ramon Ryan pense également qu’un autre argument à faire valoir serait que le projet pourrait endommager l’environnement sur le plan esthétique — ce que la loi NEPA protège explicitement.

« Le grand public a le droit de pouvoir regarder le ciel et de ne pas voir la lumière émise par 6 000 satellites », a-t-il déclaré.

La menace supplémentaire du carburant au mercure
Ramon Ryan a également relevé un éventuel autre problème environnemental, bien qu’il n’existe pas encore aujourd’hui : le carburant au mercure.

Comme l’industrie des satellites est en plein essor, a-t-il dit, les entreprises pourraient envisager d’utiliser le mercure comme combustible parce qu’il est bon marché, efficace et plus performant que certaines alternatives (comme le xénon ou le krypton). Mais le mercure est une neurotoxine qui peut endommager le système nerveux, les reins, les poumons et le système immunitaire de l’homme, ainsi que tuer ou nuire à la faune. Une startup appelée Apollo Fusion, par exemple, a conçu des systèmes de propulsion pour les satellites utilisant le mercure comme carburant en novembre 2018, selon Bloomberg.

 La NASA a expérimenté l’utilisation du mercure comme carburant pour fusées dans les années 60 et au début des années 70, mais a arrêté en raison de préoccupations environnementales et de risques d’exposition pour les techniciens sur le terrain.

La NASA ne dispose cependant pas d’exemption catégorielle générale de la loi NEPA. Après avoir été mis au courant du plan d’Apollo Fusion, Kevin Bell a déposé une plainte auprès de la FCC au nom de Public Employees for Environmental Responsibility, en soutenant que les satellites alimentés au mercure pourraient facilement passer à travers les mailles du processus d’examen de la FCC. Dans cette plainte, il a calculé qu’une constellation entière de satellites alimentés au mercure pourrait rejeter 200 tonnes de cette substance toxique dans l’atmosphère.

« Ces engins pourraient être lancés sans que personne ne se préoccupe des conséquences », a déclaré Ramon Ryan. « C’est probablement l’argument le plus fort pour obtenir l’intervention d’un tribunal ».


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11 – Article 2 – Le Monde

Le projet Starlink d’Elon Musk menace la recherche astronomique
Par Guillaume Cannat (© Le Monde 6 février 2020)

En mettant en orbite des milliers de satellites, la société SpaceX va rendre l’observation scientifique du ciel de plus en plus difficile.

Avec le lancement de milliers de satellites de communication, le ciel pourrait prochainement être entièrement quadrillé d’éclats artificiels en mouvement rendant l’observation et la photographie des astres de plus en plus difficile. Image provenant de l’appel lancé par les astronomes professionnels du monde entier pour la protection du ciel.

Le 23 mai 2019, le lancement en une seule fois d’une soixantaine de satellites de télécommunication par la société américaine SpaceX a fait l’effet d’un grand coup de flash en pleine nuit pour la communauté astronomique internationale, tant amateur que professionnelle ! Le projet Starlink imaginé par Elon Musk et ses ingénieurs pour vendre des connexions à Internet à haut débit sur l’ensemble de la planète était pourtant en gestation depuis 2015, mais il faut croire que personne ne s’était sérieusement inquiété de l’impact qu’auraient ces petits engins – chacun de la taille d’une grosse malle (hors panneau solaire) et d’une masse de 260 kg – sur la visibilité des astres.

Après tout, il existe déjà quelques milliers de satellites en fonctionnement autour de notre planète et s’il n’est pas rare d’en voir passer quelques-uns à l’œil nu en début et en fin de nuit lorsque leur altitude de plusieurs centaines de kilomètres leur permet d’être encore éclairés par le Soleil, cela reste anecdotique et même plutôt spectaculaire lorsqu’il s’agit de la Station spatiale internationale et que l’on pense aux astronautes qui habitent cette « étoile artificielle ». Les astrophotographes et les chercheurs professionnels détectent évidemment bien plus de satellites grâce à la sensibilité de leurs capteurs, mais leur nombre total demeure suffisamment petit pour qu’il soit possible d’éliminer ces visiteurs nocturnes importuns lors du traitement des images astronomiques. Au final, les satellites existants sont plutôt moins dérangeants que les nombreux avions qui traversent le ciel étoilé avec leurs éclats multiples souvent très puissants et leurs grandes dimensions apparentes.

Mais les projets de constellations de satellites de télécommunication comme Starlink de SpaceX sont d’une nature très différente. Leur principe de fonctionnement est de saturer l’espace proche – entre 340 et 1 200 km d’altitude – de milliers de satellites pour assurer une couverture globale de notre planète, à l’exception des régions polaires. En restant à proximité du sol, le temps de réponse des satellites, leur délai de latence, peut rivaliser avec celui que l’on peut obtenir dans les réseaux au sol, alors que les satellites actuellement utilisés pour Internet sont placés sur des orbites géostationnaires à près de 36 000 km d’altitude et offrent des délais de latence très supérieurs, ce qui les rend incompatibles avec nombre d’applications, comme le jeu ou la finance en ligne.

Image du groupe de galaxie NGC 5353/4 réalisé le 25 mai 2019 avec un télescope de l’observatoire Lowell en Arizona (États-Unis). Encore proches les uns des autres moins de deux jours après leur lancement du 23 mai, vingt-cinq des soixante premiers satellites Starlink sont passés dans le champ du détecteur lors de la pose photographique rendant l’image inexploitable. Crédits : Victoria Girgis/Lowell Observatory

La première phase de déploiement de Starlink prévoit le lancement d’ici à 2021 de près de 1 600 satellites qui se répartiront sur 72 orbites à 550 km d’altitude. Avec le lancement du 29 janvier 2020, il y en a déjà 240 en orbite et SpaceX prévoie d’augmenter la cadence avec, à terme, un rythme de 180 nouveaux satellites par mois en moyenne jusqu’en 2025 pour la mise en orbite de 12 000 satellites ; un total qui pourrait être porté à plus de 42 000 durant les années suivantes ! En quelques mois à peine, le nombre total de satellites opérationnels autour de notre planète va donc doubler et, en quelques années, il pourrait être décuplé car l’entreprise d’Elon Musk n’est pas la seule sur le créneau. OneWeb (Royaume-Uni) a déjà lancé en 2019 les premiers éléments d’une constellation de 5 260 satellites et les suivants arrivent, Amazon annonce plus de 3 200 satellites pour son projet Kuiper à partir de 2021, Lynk et Facebook parlent de milliers de satellites entre 2021 et 2023, et ce décompte n’intègre même pas les projets de la Chine, de la Russie ou de la Corée du Sud.

Si ces projets se concrétisent, même partiellement, le ciel tel que nous le connaissons disparaîtra. Avec des dizaines de milliers de satellites circulant sur des orbites basses un rapide calcul montre en effet qu’il y en aurait des centaines potentiellement visibles en permanence de chaque point du globe (hors régions polaires). En ville ou sous un ciel éclairci par la pollution lumineuse, seuls les satellites les plus proches et donc les plus brillants seraient perceptibles à l’œil nu chaque nuit, mais un observateur situé sous un ciel sombre pourrait assister à un véritable défilé de lumières artificielles. En hiver aux latitudes européennes, ce défilé se produirait seulement au début et à la fin de la nuit, lorsque le Soleil n’est pas trop enfoncé sous l’horizon et qu’il éclaire les objets qui passent au-dessus de nous, le reste de la nuit les objets de Starlink resteraient invisibles. Mais à partir du printemps et jusqu’à l’automne, quand le Soleil ne s’enfonce plus aussi profondément sous l’horizon durant la nuit, les satellites de Starlink ou des autres constellations en orbites basses resteraient visibles et la voûte céleste se métamorphoserait en une mouvante guirlande lumineuse tout au long de la nuit. Les satellites les plus éloignés seraient peu ou pas visibles à l’œil nu – mais tous seraient visibles aux jumelles – et les plus proches, les milliers placés sur des orbites vers 350 km d’altitude, pourraient être aussi brillants que l’étoile Polaire ou les étoiles de la Grande Ourse (magnitude 2 environ), voire bien plus lors de leur déploiement et avant qu’ils n’atteignent leur orbite de travail. Et avec des lancements très réguliers, cela signifierait un flux presque continu de grappes de satellites éclatants.

L’impact de ces constellations artificielles, énorme pour les observations du ciel à l’œil nu déjà très perturbées par la pollution lumineuse croissante et le trafic aérien, serait catastrophique pour les astrophotographes et pour la recherche astronomique. Elon Musk et sa société SpaceX prétendent que les nouveaux satellites seront peints en noir pour moins réfléchir l’éclat du Soleil vers le sol ; un test est d’ailleurs en cours sur un satellite qui atteindra son orbite à 550 km dans les prochains jours et s’il est positif SpaceX promet d’appliquer la recette sur tous les futurs engins. Cette solution technique permettra probablement de diminuer le nombre d’objets visibles à l’œil nu dans un bon ciel, mais cela ne modifiera vraiment pas la donne pour les observations et les photographies qui seront assaillies par ces intrus plus ou moins lumineux quadrillant la voûte céleste à un rythme soutenu. Il sera alors extrêmement difficile de parvenir à les éliminer totalement des images et d’innombrables champs d’investigations de l’astrophysique seront condamnés.

Le matin du 18 novembre 2019, certains des satellites Starlink lancés une semaine avant et qui se déplaçaient encore à moins de 300 km d’altitude sont passés dans le champ du détecteur du télescope Blanco de 4 mètres de diamètre installé sur le Cerro Tololo au Chili. Pratiquement tous les capteurs du détecteur ont été balayés par ces éclats lumineux durant la pose de six minutes qui devait servir à la recherche de nouvelles galaxies naines à côté du Grand nuage de Magellan. Crédits : NSF’s National Optical-Infrared Astronomy Research Laboratory/NSF/AURA/CTIO/DELVE

Lorsque vous cherchez à identifier des astres ou des événements cosmiques tellement peu lumineux qu’ils sont à la limite de perception des capteurs électroniques des meilleurs télescopes de la planète et que le ciel est parcouru en tous sens par des « phares artificiels » vos chances de succès tendent inéluctablement vers zéro. Là encore, Elon Musk tente de rassurer en prétendant que les paramètres orbitaux de tous les satellites Starlink seront disponibles, ce qui permettrait aux astronomes de programmer leurs prises de vues pour les éviter, mais ce qui est possible pour quelques dizaines de satellites par nuit devient pratiquement impossible quand il y en a des milliers et que les champs couverts par les télescopes sur le ciel sont grands. Et cela ne fait référence qu’à l’observation dans le domaine du visible alors que ces milliers de satellites communiqueront bien évidemment en permanence avec des centaines de milliers de stations au sol sur des fréquences radio de plus en plus nombreuses à mesure que le nombre de constellations augmentera, ce qui condamnera également de très larges pans de la recherche en radioastronomie.

Le plus exaspérant dans tout cela, c’est que quelques compagnies peuvent décider de déposséder l’humanité de la possibilité d’admirer et de comprendre l’Univers apparemment en toute légalité. Chaque mois ou presque, les organismes chargés de réguler l’accès à l’espace et l’attribution des fréquences radio des satellites – International Telecommunication Union et Federal Communications Commission – autorisent actuellement des centaines voire des milliers de nouveaux lancements parce que les entreprises qui en font la demande respectent les règles qu’on leur impose. Le problème est que ces règles ont été créées à une époque où l’on pensait lancer au mieux quelques dizaines de satellites par an et qu’elles ne sont manifestement plus adaptées à la réalité d’un marché en croissance exponentielle ; il est donc urgent de les faire évoluer pour tenir compte des dégâts innombrables qui s’annoncent.

Dégâts pour les astronomes qui pourrait rapidement perdre la possibilité de mener à bien de grandes campagnes de recherches au niveau mondial comme celle, par exemple, qui a permis de publier récemment la première image d’un trou noir supermassif dans une autre galaxie à partir d’observations radio extrêmement longues et délicates que des interférences trop nombreuses condamneraient. Sans parler des pertes financières conséquentes pour les pays qui ont investi des milliards d’euros ou de dollars dans la construction d’observatoires et d’instruments exceptionnels dont l’utilisation deviendra problématique ou impossible. Dégâts également, même s’ils sont plus difficiles à quantifier, pour la perte du lien intellectuel et émotionnel qui unit l’humanité au cosmos et qui nous permet de concevoir notre place dans l’Univers et de prendre conscience des limites de notre planète à l’heure où l’équilibre de celle-ci n’a jamais été autant menacé. Dégâts matériels et humains enfin, potentiellement énormes, puisque les réseaux de télescopes bâtis ces dernières décennies pour réaliser une surveillance de plus en plus précise du ciel à la recherche d’astéroïdes susceptibles de percuter la Terre ne seront plus à même de fonctionner aussi efficacement et de nous signaler un danger éventuel. Sans parler des problèmes liés à la pollution atmosphérique engendrée par les centaines de lancements de fusées qui seront nécessaires pour la mise en orbite de ces milliers de satellites, et des problèmes de « circulation spatiale » et de déchets spatiaux qui seront inévitablement amplifiés par la multiplication du nombre de satellites devenus incontrôlables. Il y en aura forcément avec une telle prolifération et, de fait, trois des soixante premiers satellites de Starlink sont hors de contrôle. Ils finiront par se désintégrer en retombant dans l’atmosphère, mais d’ici là ils sont potentiellement dangereux pour d’autres satellites avec lesquels ils pourraient entrer en collision.

Que peuvent faire les astronomes contre la puissance des sociétés qui profitent d’un vide réglementaire pour se ruer sur un marché qu’elles envisagent comme très lucratif ? Les analystes de SpaceX prévoient en effet que son chiffre d’affaire annuel engendré par la vente de connexions à Internet par satellite pourrait atteindre 30 milliards de dollars dès 2025. La mise en orbite de la constellation Starlink devrait coûter près de 10 milliards de dollars et même si les coûts de fonctionnement et de renouvellement de milliers de satellites grèveront certainement le chiffre d’affaire annuel, les dirigeants de SpaceX estiment que les revenus engendrés par Starlink devraient financer le développement des projets martiens d’Elon Musk, même s’il semble plutôt paradoxal de détruire l’environnement de la planète Terre pour favoriser le développement d’une hypothétique infrastructure de colonisation de la planète Mars. Après le lancement des premiers satellites de la constellation Starlink au printemps 2019, les astronomes du monde entier se sont mobilisés par le biais d’un appel de l’Union astronomique internationale qui a eu le mérite de révéler l’ampleur du problème. Plus récemment, des astronomes italiens ont publié un article de fond qui fait le point sur les risques de ces projets de constellations de satellites pour l’astrophysique et ils ont lancé un appel, déjà signé par plus de 1 500 astronomes, pour alerter l’opinion et demander que les gouvernements prennent ce problème en considération et mettent fin au « Far West » spatial. La société SpaceX annonce qu’elle est entièrement ouverte à la discussion avec les astronomes professionnels pour essayer de diminuer l’impact de Starlink, mais les semaines passent et les lancements continuent…


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12 – Article 3 et 3bis – L’UAI

 

Déclaration de l’Union Astronomique Internationale sur les constellations de satellites – 3 juin 2019

Au cours des décades précédentes, des efforts considérables ont été faits pur concevoir, construire et déployer des satellites pour des usages très importants. Des réseaux récents, connus sous le nom de « constellations de satellites », ont été déployés et on en attend un plus grand nombre encore, essentiellement sur des orbites basses pour une grande variété d’usages, dont celle de fournir des services de communication aux zones non-servies ou lointaines. Jusqu’à cette année, le nombre de ces satellites était inférieur à 200, mais ce nombre augmente rapidement, avec des projets de déployer des dizaines de milliers d’entre eux. Dans ce cas, les constellations de satellites vont rapidement dépasser largement le nombre total de satellites lancés précédemment.

L’Union Astronomique Internationale (IAU) est préoccupée par ces constellations de satellites. Notre organisation, en général, considère le principe d’un ciel sombre, dépourvu d’ondes radio comme étant non-seulement essentiel pour faire avancer notre compréhension de l’Univers dont nous faisons partie, mais aussi comme une ressource de toute l’humanité et pour la protection de la faune nocturne. Nous ne pouvons pas encore comprendre l’impact de milliers de ces satellites visibles éparpillés dans l’ensemble du ciel nocturne, mais en dépit de leurs bonnes intentions ces constellations Les mettent toutes les deux en danger.

Les préoccupations scientifiques sont doubles. D’abord, les surfaces de ces satellites sont souvent composées de métal réfléchissant, et les réflexions du Soleil dans les heures précédant le lever du Soleil ou suivant son coucher les fait apparaître comme des points se déplaçant lentement dans le ciel nocturne. Bien que la plupart de ces réflexions soient si faibles qu’elles sont difficiles à voir à l’œil nu, elles peuvent être préjudiciables aux capacités sensibles des grands télescopes terrestres, dont les télescopes d’étude à tres grand angle de visée qui sont actuellement en construction. Deuxièmement, malgré des efforts notables pour éviter les interférences avec les fréquences radio-astronomiques, l’ensemble des signaux radio émis par les constellations de satellites peuvent quand même mettre en danger les observations astronomiques dans les fréquences des ondes radio. Des avancées récentes en radioastronomie, telles que celle ayant permis d’obtenir la première image d’un trou noir ou comprendre plus de choses sur la formation des systèmes planétaires, sont uniquement possibles qu’en faisant des efforts concertés dans la sauvegarde du « ciel radio » en le protégeant des interférences.

L’IAU est une organisation de science et de technologie, qui stimule et sauvegarde les avancées dans ces domaines. Bien que des efforts significatifs aient été faits pour atténuer ces problèmes avec les différentes constellations de satellites, nous recommandons vivement que tous les actionnaires de cette nouvelle frontière, en l’absence de règlements concernant l’utilisation de l’espace travaillent en collaboration à leurs avantages mutuels. Les constellations de satellites peuvent présenter une menace significative et nocive sur les infrastructures astronomiques, existantes et futures, et nous sommons les concepteurs et les maîtres d’œuvre, de même que ceux qui font les réglementations de travailler avec la communauté astronomique dans un effort concerté pour analyser et comprendre l’impact des constellations de satellites. Nous exhortons aussi les agences appropriées à concevoir un cadre pour amoindrir ou éliminer les impacts préjudiciables sur l’exploration scientifique, dès que possible.

La commission B7 de l’IAU (Protection des sites des observatoires existants ou à venir) accueillera volontiers l’opportunité d’agir de manière proactive avec tous ceux qui sont concernés par ces efforts.

 

Traduction : Olivier Sabbagh


Déclaration de l’Union Astronomique Internationale
le 12 février 2020

Comprendre l’impact des constellations de satellites sur l’Astronomie

En juin 2019, l’Union Astronomique Internationale avait exprimé ses préoccupations au sujet des l’impacts négatifs que les méga-constellations de satellites pouvaient avoir sur les observations astronomiques et sur l’apparence parfaite du ciel nocturne quand on l’observait d’une région sombre. Nous présentons ici une récapitulation sur la compréhension actuelle de l’impact de ces constellations de satellites.

Après la déclaration de juin 2019, la commission B7 Protection des sites des observatoires existants et à venir de l’IAU, on a demandé au comité exécutif du groupe de travail sur la protection des ciels sombres et calmes d’évaluer la situation et de commencer des discussions avec les sociétés responsables des lancements et des opérations des méga-constellations de satellites dans le but d’étudier des mesures pour amoindrir leurs interférences.

La commission B7 a demandé l’avis des astronomes de différentes organisations (Observatoire Vera C. Rubin, Université du Michigan, CAHA, l’ESO et l’ESA), qui sont qualifiés pour modéliser la fréquence, l’emplacement et la luminosité des méga-constellations de satellites. Quelques-uns de ces résultats sont présentés ci-dessous. Les résultats des simulations, compte tenu du grand nombre de paramètres en jeu et des suppositions qui en découlent avec leurs incertitudes, doivent être considérées comme préliminaires.

  • Alors qu’il y a une grande incertitude quant au futur nombre de satellites, certaines simulations ont été conduites sur la base d’un large échantillon de plus de 25.000 satellites, avec des constellations de satellites gérées par différentes sociétés. Avec cet échantillon, le nombre de satellites au-dessus de l’horizon à n’importe quelle heure est estimé entre 1.500 et plusieurs milliers, en fonction de la latitude où l’on se place. Beaucoup d’entre eux apparaîtront très près de l’horizon, seulement quelques-uns passant directement très haut. Par exemple, 250 à 300 auraient une hauteur de plus de 30° au-dessus de l’horizon (c’est-à-dire là où le ciel est dégagé des obstructions et là où la plupart des observations astronomiques sont réalisées). La plupart d’entre eux seront invisibles à l’œil nu.
  • Quand le Soleil est situé à 18° sous l’horizon (quand la nuit devient sombre), le nombre de satellites illuminés au-dessus de l’horizon doit être autour de 1.000 (avec 160 d’entre eux au-dessus de 30°). Les chiffres décroissent vers le milieu de la nuit, quand les satellites sont dans l’ombre de la Terre (pas de lumière solaire reflétée).
  • Il est difficile maintenant de prédire combien des satellites illuminés seront visibles à l’œil nu, en raison de l’incertitude de leur réflectivité présente (aussi parce que des expérimentations sont faites par SpaceX pour réduire la réflectivité de leurs satellites en adoptant différents revêtements). L’apparence d’un pur ciel nocturne, particulièrement quand on observe d’un endroit sombre sera, de toutes façons, altérée car les nouveaux satellites seront significativement plus lumineux que les autres objets en orbite. L’interférence avec la vue non-contaminée du ciel nocturne sera particulièrement importante dans les régions du ciel proches de l’horizon et moins évidente à des altitudes plus hautes.
  • Les importants trains de satellites (« colliers de perles »), souvent vus sur des photos et des vidéos, sont significatifs immédiatement après leur lancement et pendant la phase de changement d’orbite vers une altitude plus haute, quand ils sont considérablement plus lumineux qu’ils ne le seront à leur altitude et leur orientation opérationnelles. L’effet global dépend de la durée de cette phase et de la fréquence des lancements.
  • En dehors de la visibilité à l’œil nu, il est estimé que les chemins des constellations de satellites seront assez brillants pour saturer les détecteurs modernes sur les grands télescopes. Les observations scientifiques à large champ seront donc sévèrement affectées. Par exemple, dans le cas d’études rapides à large champ, comme celles qui seront pratiquées par l’observatoire Rubin (anciennement connu sous le nom de LSST), il est estimé que jusqu’à 30% des images avec 30 secondes de pose lors du crépuscule ou de l’aube seront affectées. Des instruments à champ plus étroit seront moins affectés. En théorie, les effets des nouveaux satellites pourraient être adoucis par la prédiction précise de leurs orbites et par l’interruption, quand nécessaire, durant leurs passages. Le traitement des données pourrait alors être réalisé pour « nettoyer » les images résultantes. Toutefois, le nombre important de traînées pourrait créer des charges supplémentaires significatives et compliquées sur la planification et les opérations d’observation astronomique.

Un résumé des résultats et des actions qui ont été entreprises jusqu’alors est présenté dans un thème spécifique de l’IAU.

Le but de ce communiqué a porté sur les longueurs d’onde dans les fréquences visibles. Ce n’est pas pour minimiser les effets sur les ondes radio et sur les ondes submillimétriques, qui font toujours l’objet d’une enquête. L’IAU considère que les conséquences des constellations de satellites sont inquiétantes. Elles auront un impact négatif sur les progrès de l’astronomie depuis le sol terrestre, les ondes radio, les longueurs d’onde dans le visible et l’infrarouge, et nécessiteront de détourner des ressources humaines et financières de la recherche de base pour étudier et implémenter des mesures conservatoires.

Beaucoup d’attention est également portée à la protection de la vue non-contaminée du ciel nocturne depuis les zones sombres, qui devrait être considérée comme étant un héritage humain et mondial non négociable. C’est l’un des principaux messages communiqués sur le site web commun de l’IAU et de l’UNESCO sur l’héritage astronomique. Dans le but d’atténuer les impacts des constellations de satellites qui peuvent interférer avec les observations astronomiques des professionnels et des amateurs, l’IAU, en étroite collaboration avec la Société Américaine d’Astronomie (AAS), continuera pour initier des discussions avec les agences spatiales et les sociétés privées qui envisagent de lancer et de gérer les constellations de satellites déjà planifiées et/ou futures.

L’IAU prend note du fait qu’il n’y a, à l’heure actuelle, aucune règle ou réglementation internationale sur la luminosité des objets en orbite fabriqués par des humains. Bien que, jusqu’alors ce n’était pas considéré comme un sujet prioritaire, cela devient aujourd’hui extrêmement pertinent. Donc l’IAU présentera régulièrement ses résultats aux conférences du Comité pour l’Utilisation Pacifique de l’Espace des Nations Unies (UN Committee for Peaceful Uses of Outer Space [COPUOS]), en attirant l’attention des représentants des gouvernements du monde entier sur les menaces crées par toute nouvelle initative spatiale sur l’astronomie et la science en général. De plus, le thème des méga-constellations de satellites sera inclus dans le programme de la Conférence sur le Ciel sombre et Tranquille pour la Science et la société de l’IAU/UNOOSA/IAC, qui se tiendra à Santa Cruz de La Palma, Îles Canaries, en Espagne, du 5 au 8 octobre 2020.

L’IAU souligne que le progrès technologique n’est rendu possible que par des avancées parallèles dans la connaissance scientifique. Les satellites ne devraient jamais opérer ni communiquer sans les contributions essentielles de l’astronomie et de la physique. Il est de l’intérêt de tout le monde de préserver et de supporter les progrès des sciences fondamentales comme l’astronomie, la mécanique céleste, la dynamique des orbites et la Relativité.

 

Traduction : Olivier Sabbagh


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13 – Article 4 – L’ESO

Une nouvelle étude de l’ESO (Observatoire Européen de l’Hémisphère sud) du 5 mars 2020 évalue l’impact des constellations de satellites sur les observations astronomiques

Les astronomes ont récemment montré qu’ils se sentaient concernés par l’impact des méga constellations de satellites sur la recherche scientifique. Pour mieux comprendre l’effet que ces constellations pourraient avoir sur les observations astronomiques, l’ESO a commissionné une étude scientifique, en se basant sur les télescopes de l’ESO dans les longueurs d’onde du visible et de l’infrarouge, mais aussi en prenant en considération d’autres observatoires. L’étude prend en compte un total de 18 constellations représentatives de satellites en développement par SpaceX, Amazon, OneWeb et d’autres, qui ensemble représentent un total de 26.000 satellites [1], sera publiée dans « Astronomy & Astrophysics ».

L’étude montre que les grands télescopes comme le VLT de l’ESO et le futur « Extremely Large Telescope (ELT) » seront modérément affectés par ces constellations de satellites en développement. L’effet est plus prononcé pour les poses longues (aux alentours de 1.000 secondes), dont jusqu’à 3% desquelles pourraient être ruinées pendant la pénombre, entre l’aube et le lever du Soleil et entre le coucher du Soleil et l’obscurité. De plus courtes poses seraient moins impactées, avec moins de 0.5% d’observations affectées. Des observations conduites à d’autres périodes de la nuit seraient aussi moins affectées, dans la mesure où les satellites seraient dans l’ombre de la Terre et, de ce fait, non éclairés. En fonction du cas scientifique précis, les impacts seraient amoindris en effectuant des changements sur les horaires d’exploitation des télescopes de l’ESO, bien que ces changements aient un coût [2]. D’un côté industriel, un pas important, pour atténuer ces impacts, serait de rendre ces satellites plus sombres.   

L’étude montre aussi que le plus grand impact affecterait les études à grand champ, en particulier celles faites avec de grands télescopes. Par exemple, de 30% à 50% de poses avec le « US National Science Foundation’s Vera C. Rubin Observatory » (qui n’est pas de l’ESO) serait « sévèrement affecté », ou bien cela dépendrait du moment dans l’année, de l’heure de la nuit, et en simplifiant les hypothèses de l’étude. Les techniques d’atténuation qui pourraient être appliquées sur les télescopes de l’ESO ne fonctionneraient pas pour cet observatoire, bien que d’autres stratégies soient activement explorées. Des études complémentaires sont nécessaires pour comprendre totalement les implications scientifiques de cette perte de données d’observation et la complexité de leurs analyses. Les télescopes à champ large comme celui de l’observatoire Rubin qui peuvent balayer rapidement de vastes parties du ciel, ce qui les rend cruciaux pour découvrir des phénomènes de courte durée comme les supernovæ ou des astéroïde potentiellement dangereux. En raison de leurs capacités uniques à générer des données en grand nombre et de trouver des cibles à étudier par beaucoup d’autres observatoires, les communautés astronomiques et les organismes de financement en Europe et ailleurs ont classé les télescopes d’étude à large champ comme une priorité majeure pour les développements à venir en astronomie.

Les astronomes professionnels et amateurs ont, de même, soulevé des inquiétudes quant à l’impact qu’auraient les méga-constellations de satellites sur les vues naturellement parfaites du ciel nocturne. L’étude montre qu’environ 1600 satellites de ces constellations seront au-dessus de l’horizon d’un observatoire situé à mi-latitude (45°), dont la plupart seront bas sur le ciel (à moins de 30°) de l’horizon. En plus de cela, dans la partie du ciel ou l’essentiel des observations sont faites, il y aura environ 250 satellites de ces constellations à n’importe quelle heure. Comme ils sont éclairés par le Soleil au coucher et au lever de notre astre, de plus en plus d’entre eux seront dans l’ombre de la Terre vers le milieu de la nuit. L’étude de l’ESO assume une brillance pour tous ces satellites. Avec cette supposition, jusqu’à 100 satellites pourraient être suffisamment brillants pour être visibles à l’œil nu pendant les heures de pénombre, dont 10 d’entre eux seraient plus hauts que 30° au-dessus de l’horizon. Tous ces chiffres descendent quand la nuit devient plus sombre et que les satellites tombent dans l’ombre de la Terre. Globalement, ces nouvelles constellations de satellites doublerait le nombre de satellites visibles à l’œil nu dans le ciel nocturne au-dessus de 30° [3].

Ces chiffres ne prennent pas en compte les « trains de satellites » visibles immédiatement après leur lancement. Bien que spectaculaires et brillants, cela sera de courte durée et visible seulement brièvement après le coucher ou avant le lever du Soleil et, à n’importe quelle heure, seulement depuis des zones limitées sur la Terre.

L’étude de l’ESO utilise des simplifications et des suppositions pour obtenir des estimations prudentes quant aux effets, qui pourraient être moindres dans la réalité qu’indiqués dans nos calculs. Des modélisations plus sophistiquées seront nécessaires pour quantifier plus précisément les impacts réels. Tandis que l’étude se focalise sur les télescopes de l’ESO, les résultats sont appliqués à des télescopes similaires mais n’appartenant pas à l’ESO, qui opèrent également dans le visible et l’infrarouge, avec des instruments et des cas scientifiques similaires.

Les constellations de satellites auront aussi un impact sur les observatoires radio dans les fréquences millimétriques et sub-millimétriques, ce qui inclut l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA) et l’Atacama Pathfinder Experiment (APEX). Cet impact sera pris en consideration dans des études à venir.

L’ESO, ensemble avec d’autres observatoires, l’Union Astronomique Internationale (IAU), la Société Américaine d’Astronomie (AAS), la Royal Astronomical Society (RAS) de Grande-Bretagne, et d’autres institutions, prend des mesures pour sensibiliser sur la conscience  de ce problème dans les forums globaux comme celui de l’ONU, « United Nations Committee on the Peaceful Uses of Outer Space », Comité des Nations Unies sur les utilisations pacifiques de l’espace (COPUOS), et le Comité Européen sur les fréquences en radioastronomie (CRAF). Ceci est réalisé tout en explorant avec les industries spatiales des solutions pratiques qui peuvent préserver les investissements de pointe réalisés à large échelle dans les équipements astronomiques terrestres. L’ESO supporte le développement de schémas de régulations qui assureront en fin de compte la coexistence harmonieuse d’avancées technologiques prometteuses en orbite basse avec les conditions qui permettent à l’humanité de continuer ses observations et sa compréhension de l’Univers.

 

Notes

[1] Beaucoup de paramètres qui caractérisent les constellations de satellites, dont le nombre total de satellites, changent fréquemment. L’étude prévoit qu’un total de 26,000 satellites seront en orbite autour de la Terre, mais ce chiffre pourrait être supérieur. 

[2] Des exemples de mesures restrictives incluent : Calculer la position des satellites pour éviter d’observer quand l’un d’eux passe dans le ciel ; fermer l’obturateur du télescope au moment précis où un satellite passe dans le champ de vision ; et contraindre les observations à être faites dans des zones du ciel qui sont dans l’ombre de la Terre, où les satellites ne sont pas illuminés par le Soleil. Ces méthodes ne sont toutefois pas adaptées à toutes les recherches scientifiques. 

[3] Il est estimé qu’environ 34.000 objets plus grands que 10 cm sont actuellement en orbite terrestre. Parmi ceux-ci, il y a environ 5.500 satellites, dont 2.300 sont fonctionnels. Le reste est constitué de débris spatiaux, dont les étages supérieurs des fusées de lancement et des adaptateurs de lancement. Environ 2.000 de ces objets sont au-dessus de l’horizon à n’importe quel endroit et à n’importe quelle heure. Pendant les heures de pénombre, entre 5 et 10 d’entre-eux sont illumines par le Soleil et suffisamment brillants pour être visibles à l’œil nu. 

Traduction : Olivier Sabbagh


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14 – Le site “Satmap”, les satellites en direct…

L’indispensable site Satmap permet de suivre en temps réel les trajectoires, les positions et les orbites des satellites autour de la Terre. En cliquant sur l’un des satellites le site vous donne même le nom ou la “famille” du satellite et son altitude. On dispose même d’outils permettant de faire des sélections. Les satellites qui suivent à peu près la ligne de l’équateur sont généralement des satellites “géostationnaires” qui tournent en même temps que la Terre, à la même vitesse et sont donc, depuis la Terre, au même endroit dans le ciel, à environ 35.800 km d’altitude. Fin juin 2023 les satellites Starlink représentent 4279 satellites sur un total de 5796, soit 73 % de tous les satellites en orbite terrestre !

Accès au site Satmap → https://satmap.space/

↑   Position des 5796 satellites actifs en orbite terrestre en juin 2023

↑   Position des seuls satellites Starlink (4.279 à ce jour !) en orbite terrestre en juin 2023