La vie des étoiles

Les étoiles naissent …

Dans de nombreux endroits du ciel, les télescopes nous révèlent des spectacles de toute beauté. Contrairement à l’apparence qu’on en a à l’œil nu, l’espace entre les étoiles est rarement vide. D’énormes masses de gaz et de poussières abondent dans certaines régions. Elles nous sont révélées grâce à la lumière émise par les étoiles environnantes. Les dimensions gigantesques de ces nuages donnent l’impression qu’ils sont figés, immobiles dans l’espace. De nombreuses analyses montrent que ce n’est qu’une apparence. Sous l’effet de leur masse ils tendent à se fragmenter et à former des régions de plus en plus denses qui s’effondrent sur elles-mêmes. Nous sommes là dans des régions de naissance d’étoiles !

Au cœur de la grand nébuleuse d’Orion de jeunes étoiles se sont allumées. Excité par les torrents de lumière ultraviolette qui jaillissent de ces nouveaux phares cosmiques, le gaz émet à son tour de la lumière et la nébuleuse brille comme une sorte de gigantesque lampion. Ce phénomène de thermoluminescence est comparable à celui qui se passe dans un tube à néon. Des centaines d’étoiles en gestation se cachent dans cette matrice gazeuse.

La vie en rose… Cette couleur est celle de la matière primordiale, l’hydrogène, telle qu’elle est sortie de la fournaise du big-bang, il y a plus de treize milliards d’années. Sous l’effet de la gravitation, elle est en train, sous nos yeux, de se recroqueviller en grumeaux plus denses, un peu comme l’eau répandue sur une toile cirée se fragmente en gouttelettes. Ici encore, la lumière que nous en recevons témoigne de la présence d’étoiles très chaudes qui, en électrisant le gaz raréfié qui les entoure, lui confèrent cette luminescence d’aurore. Cette région embrasée est le siège d’une intense activité : c’est une autre maternité d’étoiles. L’image suivante est un zoom dans son intimité.

Loin, en haut de cette image, une jeune et turbulente étoile déverse un torrent de lumière, de chaleur et de particules qui soufflent le nuage interstellaire vers le bas. Son trop grand enthousiasme à briller va définitivement disperser la précieuse matrice de gaz… mais nous donne à voir ce qu’elle renfermait. Sous la forme de petits ergots, plus denses que le nuage environnant, émergent des germes d’étoiles. Car le processus de fragmentation en grumeaux plus concentrés, se poursuit à des échelles toujours plus petites. Bientôt, là où l’activité des premières nées ne disperse plus la matière cosmique, de tels germes vont s’effondrer en brûlantes boules de gaz dont la chaleur et la lumière équilibreront le poids : des étoiles vont naître.

Voici, nimbées des restes de leur matrice gazeuse, un groupe de nouvelles étoiles, beaucoup plus jeunes que notre Soleil. Elles n’ont que quelques millions d’années – les dinosaures moururent longtemps avant leur naissance. Elles disparaîtront également avant le Soleil : plus massives, plus brillantes et plus chaudes que notre étoile, elles brûlent la chandelle par les deux bouts. Au cœur de ces géantes bleues, comme au cœur plus modeste du Soleil, règnent des pressions titanesques – un litre de gaz pris au centre du Soleil pèserait plus de 150 kg – des températures de plusieurs dizaines de millions de degrés; et ces conditions infernales réalisent un nouveau miracle, la transmutation de la matière.


… les étoiles vivent …

Nées au cœur d’un même grand nuage de gaz et de poussières, les étoiles, au début de leur existence, vivent en groupe. Si leur nombre ne dépasse pas quelques centaines, on désigne ces groupes de sœurs jumelles sous le nom d’amas ouverts. De temps en temps, sous l’effet des forces gravitationnelles l’une d’entre elles est propulsée hors de l’amas qui perd ainsi, peu à peu, ses étoiles. Inutile de chercher les sœurs du Soleil, elles se sont dispersées depuis bien longtemps un peu partout dans la Voie lactée.

Parfois, un très grand nombre d’étoiles naissent à partir de gigantesques nuages de matière. Ces groupes comportent couramment plusieurs millions d’étoiles. A cause de leur forme caractéristique, ces rassemblements sont appelés amas globulaires. Un très grand nombre de ces amas gravitent autour du centre de notre galaxie et on en trouve dans toutes les galaxies suffisamment proches de nous pour qu’ils y soient observables.

D’où vient la chaleur des étoiles ? Grâce à leur énorme masse qui comprime le gaz en leur centre, elles déclenchent des réactions de fusion thermonucléaire. Elles transforment de l’hydrogène en hélium, réaction qui s’accompagne d’un très grand dégagement de chaleur. Un équilibre se crée alors entre la production de chaleur qui tend à dilater l’étoile et sa masse qui tend à la comprimer. La dilatation permet un meilleur refroidissement, et à l’inverse, la contraction augmente le taux des réactions nucléaires. De ce fait, une étoile est un réacteur nucléaire stable tant qu’il lui reste suffisamment d’hydrogène à consommer dans ses régions centrales. Ce principe d’autorégulation simple permet à une étoile comme notre Soleil de dispenser sa chaleur pendant 10 milliards d’années. L’âge actuel de notre étoile est de 4,6 milliards d’années.

Le diamètre d’une étoile comme le Soleil est équivalent à quatre fois la distance de la Terre à la Lune. Cette énorme boule de gaz est classée dans la catégorie des étoiles plutôt petites. On connaît des étoiles plusieurs centaines de fois plus grandes que le Soleil. Il ne serait pas conseillé de s’en approcher de trop près ! Cette image montre à quel point l’aspect relativement tranquille de notre étoile, vue de chez nous, est trompeur. Pensez-y lors de votre prochain bain de Soleil. Ces arches sont des ponts de matières qui montrent les bouleversements permanents des champs magnétiques du Soleil. Parfois de grandes éruptions de noyaux atomiques s’échappent dans l’espace à très grande vitesse. Quand ces particules atteignent la Terre, elles sont responsables des aurores boréales.

Cet autre aspect de la surface du Soleil ne laisse aucun doute quant à la violence des phénomènes qui s’y passent. En permanence, d’énormes bulles de gaz chaud remontent de l’intérieur de l’étoile un peu à la manière des nuages d’orages qui se déploient à très haute altitude dans l’atmosphère terrestre. Mais les proportions sont ici sans commune mesure. La dimension de chacune de ces cellules convectives se chiffre en milliers de kilomètres. Par endroits, d’énormes taches apparaissent. Il s’agit de régions moins chaudes dans lesquelles des phénomènes magnétiques particuliers se déroulent.


… et les étoiles meurent.

Une étoile au cours de sa vie consomme son hydrogène qui se raréfie peu à peu dans ses régions centrales. Le taux des réactions nucléaires diminue et la source de chaleur qui tenait le système en équilibre s’amenuise. Dans un premier temps l’étoile se contracte en s’effondrant sur elle-même. Puis les couches entourant le noyau se réchauffent et brûlent à leur tour de l’hydrogène, faisant de nouveau enfler considérablement l’étoile. Elle perd alors totalement son aspect relativement paisible. Elle traverse une période d’agonie cataclysmique au cours de laquelle la pression de radiation interne est telle que d’énormes bouffées de matière sont propulsées hors de l’étoile par phases successives.

Dans les phases finales de l’agonie d’une étoile de petite taille (jusqu’à 5 à 8 fois la masse du Soleil), le gaz d’électrons dégénérés de son cœur conduit très bien la chaleur. Le réacteur s’emballe. Lorsque le cœur atteint 100 millions de degrés, l’hélium fusionne en produisant du carbone et de l’oxygène. Plusieurs périodes de dilatations et de contractions successives de plus en plus violentes finiront par disperser la matière de l’étoile dans l’espace. La dernière grande contraction de l’étoile sera telle qu’elle deviendra une “naine blanche”, à peine plus grosse qu’une planète comme la Terre, mais très chaude et très brillante. Ces restes apparaissent alors comme une sorte de cocon entourant le noyau central très chaud devenu une naine blanche. Ensuite, cette naine blanche se refroidira doucement pendant quelques milliards d’années jusqu’à son extinction.

Pour les très grosses étoiles (supérieures à 8 fois la masse du Soleil), le monstre serti dans ces draperies fantastiques a épuisé l’hydrogène de son cœur, entièrement transformé en hélium. Puis l’étoile a brûlé l’hélium afin de continuer à trouver la chaleur nécessaire pour compenser son effondrement. Après l’hélium sont venus le béryllium, le carbone, l’oxygène. A chacun de ces changements de régime, elle a connu de monstrueux hoquets qui ont éjecté ses couches externes. C’est cette matière dispersée qui constitue la toile au centre de laquelle elle cache son corps boursouflé d’épeire. Mais bientôt – dans quelques millions d’années – tout sera fini. L’étoile s’effondrera, la matière comprimée rebondira sur le cœur dense de l’astre et fera explosion. Cela produit ce qu’on appelle une « Supernova ». En quelques heures, et pour la dernière fois, Eta de la Carène brillera plus que des dizaines de milliards de ses congénères, libérant les trésors que renfermait son corps, forgeant dans la foulée de nouveaux atomes qui seront une nouvelle richesse pour l’Univers. La violence inouïe de l’explosion finale de la supernova peut donner naissance à un trou noir, ou à une étoile à neutrons et/ou à l’apparition d’un pulsar (voir ces termes dans notre “glossaire”).


Contemplation céleste

L´univers est infini. L´espace est sans bornes. Si, entraînés par notre amour pour le ciel, nous avions la fantaisie et surtout le moyen d´entreprendre un voyage qui aurait pour terme la limite des cieux, nous serions surpris, en arrivant aux confins de la Voie Lactée, de voir se renouveler, devant nos yeux éblouis, le spectacle grandiose et phénoménal d´un univers nouveau ; et si, dans notre course folle, nous franchissions ce nouvel archipel de mondes pour nous lancer à la recherche de la barrière des cieux, nous trouverions toujours éternellement, devant nous, des univers succédant aux univers. Des millions de soleils roulent dans l´espace immense. Partout, de tous côtés, la création se renouvelle en des variations infinies.

Camille Flamarion, tiré de Astronomie des Dames (1903)

 


Voici l’aspect des restes d’une grosse étoile un millier d’années après son explosion. Ces filaments de matière sont propulsés dans l’espace à 1500 km par seconde. Une énorme onde de choc qui continue à se répandre dans le milieu interstellaire et qu’on appelle un rémanent de supernova. Dans cette gigantesque masse de matière déchiquetée, on trouve toutes les sortes d’atomes qui permettent les combinaisons infinies de la chimie. Disparition d’une étoile, promesse de nouveautés pour le futur.

Ces filaments sont l’héritage d’une étoile morte. Seules les étoiles géantes, 10 fois plus massives que notre Soleil, terminent leur vie ainsi : si vite et si violemment. Mais nous leur devons tout. En dispersant dans l’Univers les nouvelles matières qu’elles ont forgées, elles enrichissent le terreau cosmique de nouvelles possibilités. L’univers stérile de l’hydrogène s’est progressivement doté d’autres espèces d’atomes qui vont participer à la formation de prochaines générations d’étoiles et de planètes.


Les cendres d’étoiles se regroupent

L’astronomie moderne nous permet d’observer “l’écologie universelle” dans son ensemble. Voici un univers-île, une galaxie comme notre Voie lactée, composée de centaines de milliards d’étoiles. Les petites tâches roses sont les zones où les étoiles naissent, les nuages sombres, les scories que les plus turbulentes d’entre elles ont léguées à la postérité. Au cœur de ces nuages riches principalement en carbone et en oxygène mais aussi en éléments comme l’azote, le soufre, le silicium, une chimie a commencé. Les atomes s’assemblent pour former de l’eau, de la terre, des acides aminés – éléments constitutifs des protéines. Cette frénésie d’organisation de la matière n’est semble-t-il bridée que par le froid intense des espaces interstellaires et la dilution extrême de la matière. Ce qui semble dense sur cette image ne représentent en effet qu’une particule de glace ou de graphite par kilomètre cube. De nouveaux événements seront nécessaires pour révolutionner l’univers.

Le gaz interstellaire continue à produire de nouvelles étoiles. Cette fois pourtant, il y a du nouveau sous les soleils : cette petite, tout juste en train de naître s’est entourée d’un disque de poussières en rotation. Bientôt de petits grumeaux de matière concentrée apparaîtront : des planètes, certaines peut-être jumelles de notre Terre. C’est là que la matière poursuivra son évolution. Notre système solaire a commencé de cette façon. Qui sait ? Longtemps après que nous ne serons plus qu’un souvenir dans l’Univers, les atomes qui constituent ce nuage sombre participeront peut-être à une épopée aussi héroïque que la nôtre.

Autour des étoiles nouvellement formées, les cendres de celles des générations précédentes s’agglutinent entre elles. D’abord sous la forme de minuscules grains de poussières de quelques microns d’épaisseur. Bien que très petits, ces grains sont constitués d’un noyau rocheux entouré d’une fine couche de glace. Ces grains eux-mêmes, dans certaines conditions se colleront les uns aux autres et donneront des corps de plus en plus gros. Ainsi se forment des comètes par exemple, mais aussi des météorites dont nous voyons un exemple sur cette image. Celle-ci, une chondrite carbonée, contient déjà des acides aminés dont on sait qu’ils sont les briques constituant les protéines.

Ces phénomènes d’agglutination ne s’arrêtent pas là. Au hasard des rencontres certains grossissent au détriment de plus petits qu’ils incorporent lors de chocs entre eux. L’astéroïde Gaspra qu’on voit ici illustre bien ce phénomène. Sa surface est criblée des cicatrices laissées par les chutes de corps plus petits dont il est lui-même constitué. De très petites différences dans les conditions initiales de formation de ces corps auront des conséquences considérables sur leurs destins. En fonction de la matière disponible ils pourront devenir planètes fertiles ou bien caillou errant indéfiniment dans l’espace. Ainsi, à partir d’éléments qui se ressemblent, l’Univers engendre en permanence de la diversité.

En fonction des endroits où ils se trouvent, certains de ces conglomérats de cendres d’étoiles vont incorporer de grandes quantités de matière. Plus ils grossissent, plus leur champ de gravité augmente et plus ils auront de chance d’attirer à eux d’autres morceaux plus petits, s’il en reste dans la région. Encore aujourd’hui, notre Terre reçoit en permanence de ces pierres venues du ciel. C’est l’arrivée des plus petites, à grande vitesse dans notre atmosphère, qui se voit sous la forme d’étoiles filantes. Parfois l’une d’entre elles peut atteindre une taille respectable. C’est lors d’une rencontre de ce genre que s’est formée la profonde cicatrice que nous voyons ici à la surface de notre Terre.


Moi qui passe et qui meurs,

je vous contemple étoiles !

La terre n’étreint plus l’enfant qu’elle a porté.

Debout, tout près des dieux, dans la nuit aux cent voiles,

Je m’associe, infime, à cette immensité;

Je goûte en vous voyant, ma part d’éternité

Ptolémée, Almageste