XMM-Newton et le halo de la Voie Lactée

XMM Newton découvre des gaz brûlants dans le halo de la Voie Lactée

16 janvier 2020 – ESA

Le télescope spatial XMM-Newton de l’ESA a découvert que le gaz qui se cachait dans le halo de la Voie Lactée atteignait des températures beaucoup plus chaudes et avait une composition chimique différente que ce qu’on pensait ce qui défiait notre compréhension de notre propre galaxie.

Un halo est une vaste région de gaz, d’étoiles et de matière noire invisibles qui entourent une galaxie. C’est une composante-clé d’une galaxie, qui la relie au vaste espace intergalactique, et dont on pense donc qu’il joue un rôle important dans l’évolution galactique.

Jusqu’à ce jour on pensait que le halo contenait du gaz chaud à une température uniforme, avec une température exacte de ce gaz qui dépendait de la masse de la galaxie.

Toutefois, une nouvelle étude utilisant l’observatoire spatial XMM-Newton en rayons-X de l’ESA montre désormais que le halo de la Voie Lactée ne contient pas un, mais trois composants différents de gaz chauds, dont le plus chaud des trois est 10 fois plus chaud que ce qu’on pensait précédemment. C’est la première fois que des gaz multiples, structurés de cette manière, ont été découverts, pas seulement dans la Voie Lactée, mais dans n’importe quelle galaxie.

« Nous pensions que les températures des gaz dans les halos galactiques allaient de 10.000 à un million de degrés, mais il s’avère que certains gaz du halo de la Voie Lactée peuvent atteindre la température torride de 10 millions de degrés », dit Sanskriti Das, un étudiant diplômé de Ohio State University, USA, et principal auteur de cette nouvelle étude.

« Alors que nous pensions que des gaz étaient chauffés autour d’un million de degrés quand une galaxie se formait initialement, nous ne savons pas comment ce composant est devenu si chaud. Cela pourrait être dû aux vents émanant du disque d’étoiles présentes dans la Voie Lactée ».

L’étude a utilisé conjointement deux instruments de XMM-Newton : Le spectromètre par réflexion de grille (Reflection Grating Spectrometer ou RGS) et a caméra d’imagerie de photons (European Photon Imaging Camera, ou EPIC). EPIC a été utilisée pour étudier la lumière émise par le halo et RGS pour étudier comment le halo affectait et absorbait la lumière qui y passait.

Le télescope spatial XMM-Newton en rayons-X

Pour sonder l’absorption du halo de la Voie Lactée, Sanskriti et ses collègues ont observé un objet particulier : un blazar, qui est le cœur très actif et énergétique d’une galaxie distante qui émet d’intenses rayons lumineux.

Après avoir voyagé sur une distance de 5 milliards d’années-lumière dans le Cosmos, les rayons-X du blazar sont passés dans le halo de notre galaxie avant d’atteindre les détecteurs de XMM-Newton, ce qui nous donne des indices sur les propriétés de cette région gazeuse.

Contrairement aux études précédentes du halo de la Voie, qui durent normalement un ou deux jours, l’équipe a fait des observations sur une période de plus de 3 semaines, ce qui lui a permis de détecter des signaux qui sont généralement trop faibles pour être détectés.

« Nous avons analysé la lumière du blazar et nous avons mis à zéro ses propres signatures spectrales : les caractéristiques de la lumière peuvent ainsi nous renseigner sur la matière dans laquelle est passée la lumière dans son chemin vers nous », dit le co-auteur Smita Mathur, également de Ohio State University, et conseillère de Sanskriti.

« Il y a des signatures spécifiques qui ne peuvent exister qu’à certaines températures, nous étions donc capables de déterminer quelle pouvait être la température du halo pour affecter la lumière du blazar comme cela s’est produit ».

Le halo de la Voie Lactée est aussi significativement renforcé par des éléments plus lourds que l’helium, qui sont généralement créés par certaines étoiles pendant leurs vies et aux périodes finales, quand elles les rejettent au moment de leur mort.

Cette impression d’artiste animée montre la Voie Lactée (la petite galaxie au centre) et son halo (la vaste région gazeuse).

Nitrogen = Azote — Néon — Oxygène — Iron = Fer

Cela illustre le halo en trois différentes teintes : émeraude, jaune et verte. Elles se mélangent dans tout le halo et chaque teinte représente du gaz à différentes températures.

Des points apparaissent dans ce halo : ils représentent des éléments et leur abondance relative, telles que détectées par XMM-Newton : azote (noir, 41 points), néon (orange/jaune, 39 points), oxygène (bleu clair, 7 points) et fer (rouge, 1 point).

« Jusqu’alors, les scientifiques avaient d’abord cherché la présence d’oxygène, qui est abondant et plus facile à trouver que d’autres éléments », explique Sanskriti. « Notre étude a été plus détaillée : nous avons cherché, non seulement l’oxygène mais aussi l’azote, le néon et le fer, et nous avons trouvé des résultats extraordinairement intéressants ».

L’étude a également montré qui le halo avait une composition chimique différente de ce qu’on croyait : elle contient moins de fer que prévu, montrant ainsi que le halo a été enrichi par des étoiles mourantes massives et aussi moins d’oxygène, ce qui est probablement dû au fait que cet élément a été capturé par des particules poussiéreuses dans le halo.

« C’était réellement passionnant, c’était complètement inattendu et cela nous dit qu’il nous reste beaucoup à apprendre sur la manière dont la Voie Lactée a évolué pour être la galaxie qu’elle est aujourd’hui », ajoute Sanskriti.Alors que la mystérieuse matière noire et l’énergie sombre représentent respectivement 25 et 70 % de notre cosmos, la matière ordinaire qui est tout ce qu’on voit, des étoiles et des galaxies jusqu’aux planètes et aux gens, ne compte seulement que pour 5 %.

Toutefois, les étoiles dans les galaxies de l’Univers ne représentent environ que 7 % de toute la matière visible. Les gaz interstellaires froids qui pénètrent ces galaxies, qui est la matière brute pour créer des étoiles, ne représente que 1,8% du total alors que les gaz diffus et chauds dans les halos qui entourent les galaxies représentent environ 5 % et les gaz encore plus chauds qui remplissent les amas de galaxies, les plus grandes structures de l’Univers rassemblées par la gravité, comptent pour 4 %. 

Ce n’est pas surprenant : les étoiles, les galaxies et les amas de galaxies forment les nœuds les plus denses du réseau cosmique, la distribution filamentaire de la matière noire et de la matière ordinaire s’étendant dans tout l’Univers. Alors que ces endroits sont denses, ils sont également rares, donc ce n’est pas le meilleur endroit pour chercher l’essentiel de la matière cosmique.

L’essentiel de la matière ordinaire de l’Univers (ou les baryons) doit se cacher dans les filaments omniprésents de cette toile cosmique, où la matière est moins dense et donc plus difficile à observer. En utilisant différentes techniques au cours des années, on a été capables de situer une bonne partie de la matière intergalactique, majoritairement ses composants froids (également appelée « forêt Lyman-alpha », qui représente environ 28 % de tous les baryons) et ses composants chauds (environ 15 %).

Après deux décennies d’observations, les astronomes qui utilisent l’observatoire spatial XMM-Newton ont détecté le composant chaud de cette matière intergalactique le long de la ligne d’un lointain quasar. La quantité de gaz chaud intergalactique dans ces observations correspond à plus de 40 % de toute la matière baryonique de tout l’Univers, ce qui referme le fossé dans le compte total de matière ordinaire dans le Cosmos.

Le contenu du gaz chaud, récemment découvert a de plus larges implications qui affectent notre compréhension globale du cosmos. Notre galaxie contient une masse largement plus faible que ce à quoi nous nous attendions : ceci est connu sous le nom du « problème de la matière manquante », en ceci que ce que nous observons ne correspond pas avec les prédictions théoriques.

Depuis sa cartographie du Cosmos à long terme, la sonde Planck de l’ESA avait prédit que juste un peu moins que 5 % de la masse de l’Univers devait exister sous forme d’une matière « normale », celle qui constitue les étoiles, les galaxies, les planètes, etc.

« Toutefois, quand nous ajoutons tout ce que nous voyons, notre modèle n’est nulle part proche de cette prédiction », ajoute le co-auteur Fabrizio Nicastro de l’Observatoire astronomique de Rome (INAF), en Italie, et le Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, USA.

« Donc, où est le reste (NDT : 39 à 40 %) ? Certains suggèrent qu’il doit se cacher dans les halos géants et massifs qui entourent les galaxies, ce qui rend notre découverte très excitante ».

Comme ce composant chaud du halo de la Voie Lactée n’avait jamais été découvert avant, il peut avoir été négligé dans les analyses antérieures, et peut donc contenir une grande quantité de cette matière manquante.

“Ces observations fournissent de Nouvelles idées dans l’histoire thermique et chimique de la Voie Lactée et défient notre connaissance quant à la manière dont les galaxies se forment et évoluent », conclut Norbert Schartel scientifique-projet de XMM-Newton.

« L’étude a regardé le halo selon une seule direction de vision, vers le blazar, et il sera ainsi excessivement passionnant de voir les recherches futures se développer là-dessus ».

 

 

Traduction : Olivier Sabbagh