Grands miroirs

Spécificités de la réalisation de grands miroirs

Se lancer dans l’aventure de la taille d’un « grand » miroir suppose que l’on connaisse et maîtrise au préalable les techniques standard de réalisation des miroirs de « petite » taille (de 150 à 300 mm). Pour cela il est indispensable de s’être approprié les ressources faisant référence dans le domaine et notamment le mythique ouvrage de Jean Texereau (La construction du télescope d’amateur) mais également celui de Jean-Marc Lecleire (Réalisez votre télescope). Ce pré requis étant posé, nous ne reviendrons pas dans le détail sur ce que ces ouvrages développent parfaitement. Nous nous en tiendrons simplement à mettre en relief ce qui est spécifique au travail des grosses pièces d’optique. On se reportera également au reste des ressources pour se constituer une culture suffisante avant d’affronter un projet plus ambitieux de taille d’un miroir de 400 mm ou plus. Enfin, l’expérience même de la réalisation d’un ou plusieurs petits miroirs semble devoir s’imposer comme un préalable évident même si certains considèrent que ce n’est pas une condition absolue.

Ces principes étant acquis, on peut souligner quelques spécificités propres à la réalisation de grandes pièces optiques :

Jaquette originale du célèbre ouvrage de Jean Texerau Réalisez votre télescope de Karine et Jean-Marc Lecleire

 

Quantité importante de verre à enlever :

L’ébauchage des grands miroirs nécessite de creuser une quantité importante de verre. Cela est dû, il va de soi, à la grande surface des disques mais également à la flèche importante de la courbure de ces grands miroirs dont le rapport F/D est généralement faible. Cet état de fait a des conséquences sur les techniques d’ébauchage de ce type de miroir :

La technique classique employée sur les petits miroirs (courses selon les cordes) est ici peu appropriée du fait de son rendement trop faible. Plusieurs options s’offrent alors à l’amateur constructeur qui seront exposées plus loin.

 

Grande surface à polir :

Le fait d’avoir à traiter une surface importante est certes pénalisant : durée du travail, quantité de produits utilisés (abrasif, poudre à polir, poix, …) mais a également pour conséquence un point positif : Pour une durée donnée, les courses de parabolisation et de retouches produisent des effets plus modérés que sur un petit miroir. Ainsi, on peut doucement « voir venir » la forme et mieux corriger en temps réel le type de course à employer. Les brusques accidents de parcours de type trou central ou astigmatisme zonal si couramment rencontrés avec de petits miroirs après seulement quelques minutes de retouches sont ici plus rares.

 

Masse importante du miroir :

Cette caractéristique est particulièrement pénalisante lors de la manutention des pièces optiques. Il faudra donc redoubler de vigilance dans ces phases délicates : mouvements lents, utiliser au maximum les matériaux antichoc dans l’environnement du poste de travail (évier, support de nettoyage), se faire aider lors des transports du disque ou à défaut utiliser des outils adaptés notamment pour les très gros miroirs (ventouses de carrossier, treuil, chariot).

 

Flexibilité du miroir :

Les grands miroirs ont en général un rapport épaisseur / diamètre plus faible que les petits miroirs. Ce paramètre les rend ainsi plus flexibles et donc plus sensibles aux défauts d’astigmatisme, notamment lors du polissage. Il convient donc de mettre en œuvre tous les moyens préventifs pour éviter ou à tout le moins limiter ce défaut très courant dans les miroirs de grand diamètre. Certains conseils seront développés dans ce sens dans les chapitres suivants.

 

Mise en température plus longue :

Le travail de polissage produit un échauffement dû au frottement qui se transmet au disque de verre de façon hétérogène et progressive. Ce phénomène entraîne une instabilité passagère de la forme du miroir préjudiciable à la bonne maîtrise du travail optique. Ce n’est qu’au bout d’un certain temps que la température se stabilise de manière homogène dans tout le disque et permet d’aboutir à ce que Jean Texereau appelle « le régime d’écoulement thermique régulier ». Il va de soit que plus la masse de verre du miroir est importante, plus le temps nécessaire pour arriver à ce « régime de croisière » sera long. Il faudra donc adapter la durée des séances de travail à cette contrainte.

 

Efforts importants :

La surface optique et la masse importante des gros miroirs entraînent des efforts importants lors des courses de polissage. Le travail manuel de certains gros miroirs lors du polissage s’apparente à de véritables séances de musculation. Pour un opérateur isolé, de tels efforts prolongés risquent d’être rapidement insurmontables. Il est alors possible d’avoir recours à certains systèmes et outils facilitant grandement la tâche : machine à polir, support à poignées,

Photo ci-dessus : Support réalisé avec un volant de bétonnière (réalisation Michel Delmas).

 

Difficultés de contrôle :

Le poids et la flexibilité des grands miroirs peuvent nuire à la précision des contrôles. Il conviendra donc d’être particulièrement vigilant sur la qualité et la rigidité du support du miroir et du banc de contrôle. D’autre part, les rayons de courbure importants des grands miroirs les rendent plus sensibles aux turbulences de l’air ambiant du local de contrôle. On verra plus loin comment lutter contre ce phénomène. Enfin, le rapport F/D souvent faible associé à ce type de miroirs peut obliger à adapter les appareils de contrôle afin de limiter les erreurs de mesures liées au montage.

La photo ci-dessus est de J.M.Lecleire, prise lors d’un contrôle de notre miroir de 510