Équipements (à venir) de l’ESO au Chili : L’ELT (Cerro Armazones)
The Extremely Large Telescope va être installé au sommet du Cerro Armazones, à une altitude de 3.064 mètres. Le site se trouve à une vingtaine de kilomètres seulement du Cerro Paranal où se trouve le VLT.
L’œil le plus puissant au monde scrutant le ciel
Les télescopes géants sont considérés dans le monde entier comme l’une des plus importantes priorités de l’astronomie terrestre. Ils feront considérablement progresser les connaissances astrophysiques en permettant une étude détaillée d’objets tels que les exoplanètes (planètes gravitant autour d’autres étoiles que le Soleil), les premiers objets de l’Univers, les trous noirs super-massifs, ainsi que la nature et la distribution de la matière noire et de l’énergie noire qui dominent l’Univers.
Depuis 2005 l’ESO travaille avec sa communauté et les industriels pour développer un télescope géant observant dans le visible et l’infrarouge. Surnommé ELT pour Extremely Large Telescope, ce nouveau concept de télescope révolutionnaire au sol aura un miroir primaire de 39 mètres et sera le plus grand télescope optique et proche infrarouge au monde : “l’œil le plus grand au monde pointé sur le ciel”.
Le programme ELT a été approuvé en 2012 et le feu vert pour sa construction a été donné fin 2014. La cérémonie de la pause de la première pierre s’est déroulée en mai 2017 en présence de la Présidente de la République du Chili, Michelle Bachelet. Sa première lumière est attendue en 2027.
La science avec l’ELT
L’ELT va s’attaquer aux plus grands défis scientifiques de notre époque et il visera un certain nombre de premières, incluant la recherche de planètes similaires à la Terre gravitant dans la « zone habitable » d’autres étoiles, une zone où la vie pourrait exister – l’un des Saint Graals de l’astronomie moderne. Il réalisera aussi de « l’archéologie stellaire » dans les galaxies voisines, il apportera également des contributions fondamentales à la cosmologie en mesurant les propriétés des premières étoiles et des galaxies et il sondera la nature de la matière sombre et de l’énergie sombre. Au-delà de ces aspects, les astronomes prévoient également l’inattendu, des questions nouvelles et imprévisibles émergeront certainement des découvertes faites avec l’ELT.
Le concept de l’ELT
L’ELT aura un miroir primaire de 39 mètres de diamètre couvrant un champ céleste d’à peu près dix fois la taille de la pleine Lune. La conception optique en elle-même est révolutionnaire, basée sur un projet novateur de cinq miroirs qui donnera une qualité d’image exceptionnelle. Le miroir primaire est composé de 798 segments, d’une largeur de 1,40 mètres chacun pour une épaisseur de seulement 50 millimètres. Le concept optique prévoit un immense miroir secondaire de quatre mètres de diamètre, plus grand que les plus grands miroirs primaires des télescopes de l’ESO à La Silla.
Vision préliminaire de l’ELT sur ce dessin ↑
L’ELT sera un télescope de type Nasmyth. C’est une variante du Cassegrain. Un télescope Nasmyth, du nom de son inventeur l’écossais James Nasmyth qui le mit au point en 1845, est un type particulier de télescope Cassegrain, dans lequel un miroir plan supplémentaire est utilisé pour réfléchir latéralement la lumière.
Cassegrain classique ↑
À la base, le télescope Nasmyth comporte deux miroirs comme le télescope Cassegrain. Le miroir primaire concave collecte la lumière venant des astres à observer, et l’envoie sur un miroir secondaire convexe situé face au primaire, sur le même axe optique, et d’un diamètre largement inférieur à celui du primaire, de sorte à minimiser l’obstruction.
Dans un télescope de type Cassegrain, le miroir primaire est percé d’un trou en son centre, et le foyer est obtenu sur l’axe optique à l’arrière du miroir primaire, tandis que dans le télescope Nasmyth, un troisième miroir plan de petite dimension est placé sur l’axe optique entre le secondaire et le primaire de sorte à réfléchir la lumière latéralement. Dans ce cas, le foyer est obtenu hors de l’axe optique. Comme dans les différentes variantes du télescope de type Cassegrain, la combinaison du miroir primaire et du miroir secondaire forme l’objectif du télescope, le miroir plan servant uniquement à rejeter latéralement le foyer, de la même façon que le miroir secondaire plan d’un télescope de type Newton.
↑ Télescope Nasmyth, avec son miroir tertiaire qui renvoie le faisceau latéralement vers l’extérieur, comme le ferait le secondaire d’un télescope de type Newton
De par sa position particulière, le foyer d’un télescope Nasmyth est appelé foyer Nasmyth. Il est généralement utilisé sur les grands télescopes à monture altazimutale, en plaçant le miroir plan sur l’axe horizontal de réglage de la hauteur du télescope. Cet axe mécanique est généralement percé d’un trou au travers duquel les rayons lumineux réfléchis par le miroir plan sont envoyés sur le côté du télescope.
Cette disposition particulière du foyer Nasmyth sur l’axe horizontal permet de placer les instruments de réception (oculaire ou détecteur optique) sur la plateforme azimutale. Ceci permet d’alléger la structure mobile du télescope et ainsi d’obtenir un meilleur équilibrage. Cet effet est particulièrement recherché lorsque le foyer doit être équipés d’instruments lourds, comme ceux destinés à la spectroscopie intégrale de champ, par exemple.
La plupart des télescopes de grand diamètre possèdent un miroir plan mobile, ce qui les rend utilisables en configuration Nasmyth, avec un ou plusieurs foyers déportés hors de l’axe optique, en plus du traditionnel foyer Cassegrain situé sur l’axe optique, à l’arrière du télescope.
Des miroirs adaptatifs sont incorporés à l’optique du télescope pour compenser le flou des images stellaires provoqué par les turbulences atmosphériques. L’un de ces miroirs est posé sur plus de 5.000 actionneurs qui peuvent le faire changer de forme 1.000 fois par seconde.
Le télescope aura plusieurs instruments scientifiques. Il sera possible de passer de l’un à l’autre de ces instruments en l’espace de quelques minutes. Le télescope et la coupole pourront aussi changer de position et adopter un nouveau champ d’observation dans un très court laps de temps. Les scientifiques pourront exploiter au maximum la taille du télescope grâce à sa capacité d’observer une large gamme de longueurs d’onde, du visible à l’infrarouge moyen.
↑ Les cinq miroirs de l’ELT
Objectifs scientifiques
Objectifs généraux d’un télescope optique/infrarouge de grande ouverture. Quelques un des thèmes pourront être les galaxies à grand décalage vers le rouge, la formation stellaire, les exoplanètes et les systèmes protoplanétaires.
L’ELT va contribuer à fournir des éléments de réponse a de nombreuses questions nécessitant des performances supérieures à celles des instruments existants :
- L’ELT a une résolution cent fois meilleure que les plus grands instruments existants ce qui doit lui permettre d’obtenir des images directes d’exoplanètes (c’est-à-dire parvenir à distinguer la lumière émise par la planète de celle émise par l’étoile) et d’analyser leur atmosphère permettant de détecter la présence éventuelle de vie à travers la présence et la proportion de certains gaz. Le télescope permet de mesurer des changements de vélocité d’une étoile de 1 cm/s ce qui est suffisant pour détecter la présence de planètes de la taille de la Terre dans la zone habitable.
- Physique fondamentale : vérification du modèle de la matière noire par une mesure directe des variations du décalage vers le rouge : l’ELT peut mesurer la variation de 10 cm/s prédite par la théorie pour les galaxies lointaines au bout de 10 ans.
- Physique fondamentale : vérification de l’uniformité des constantes cosmologiques.
- Trous noirs : les capacités d’observation de l’ELT du centre galactique et du trou noir supermassif qui s’y trouve (position des étoiles avec une précision de 50 à 100 microsecondes d’arc, vitesse radiale à 1 km/s près) doit permettre d’observer des étoiles beaucoup plus proches des trous noirs circulant à des vitesses atteignant 0,1 C ce qui permettra de vérifier certaines observations prédites par la théorie de la relativité générale.
- Trous noirs : vérification de la présence de trous noirs de taille intermédiaire au sein des amas du Sous-groupe local.
- Formation des étoiles et des systèmes planétaires.
- Cycle de vie des étoiles ː contributions à la formation de la matière.
- Étude des événements violents liés à la mort des étoiles géantes au début de la formation des galaxies (décalage vers le rouge de 4).
- Population stellaire des galaxies : analyse chimique des étoiles de groupes galactiques voisins.
- Étude de la distribution de la masse des étoiles : recensement statistique des étoiles de faible masse.
- Fin des Âges sombres – processus de réionisation ː rôle des premières galaxies.
- Détermination du déroulement typique de la formation des étoiles dans les différents types de galaxie.
- Mesure des interactions entre le milieu intergalactique et les galaxies.
↑ Les travaux de terrassement de la plateforme de l’observatoire sur le Cerro Armazones et de la route d’accès ont débuté le 19 juin 2014.
Le dôme
Comme tous les télescopes de grande taille, l’ELT est entouré d’un dôme qui le protège du mauvais temps et met son optique à l’abri du Soleil durant la journée. Plusieurs architectures ont été étudiées, mais c’est finalement un choix classique qui a été effectué. Le dôme de l’ELT, de forme pratiquement hémisphérique, est posé sur une embase circulaire en béton, d’environ 10 mètres de haut, sur lequel il roule par l’intermédiaire de deux rails posés sur des bogies fixes pour suivre les mouvements de l’instrument. Deux portes de forme arrondie s’ouvrent latéralement pour permettre les observations. Le cahier des charges spécifie que le dôme doit être capable de pivoter dans les 5 minutes prévues pour l’acquisition par le télescope d’une nouvelle cible, ce qui impose une vitesse de rotation de 2° par seconde (vitesse linéaire de 5 km/h). La taille et la forme du dôme permettent une rotation complète du télescope sur lui-même, qu’il soit en position ouverte ou fermée, sans présence d’obstruction. L’ouverture permet au télescope d’être pointé du zénith jusqu’à une hauteur de 20° au-dessus de l’horizon.
Le dôme a un diamètre de 86 mètres et culmine à 74 mètres au-dessus du sol. Les deux portes dégagent une ouverture de 45,3 mètres de large. Pour protéger les miroirs du vent, un pare-vent constitué de deux panneaux mobiles permet de fermer l’ouverture dans des proportions qui dépendent de l’élévation du point visé par le télescope. Le dôme en position fermée doit être étanche à la fois aux précipitions et à l’air. L’objectif, dans ce dernier cas, est de réduire la puissance des installations de climatisation qui ont pour mission de ramener la température de l’optique à celle de la nuit (capacité : abaisser la température de 10° C en 12 heures), mais qui jouent également un rôle dans le maintien de la propreté de l’optique. Des persiennes situées dans le dôme et sur le socle permettent, à la demande, de faire circuler l’air entre l’extérieur et l’intérieur lorsque les portes sont fermées.
Le dôme est constitué d’une structure primaire comprenant un anneau à la base, deux arches de part et d’autre des portes, ainsi qu’une arche perpendiculaire située à l’arrière de l’ouverture de la porte et d’une structure secondaire constituée de poutrelles quadrillant la surface du dôme. La structure secondaire supporte des passerelles qui font le tour de l’intérieur du dôme, à trois hauteurs différentes, pour permettre sa maintenance. Deux grues de 20 tonnes, fixées l’une à l’arche perpendiculaire l’autre sur la structure secondaire, permettent de déplacer les instruments et les composants optiques.
La couverture du dôme est constituée en allant de l’extérieur vers l’intérieur par :
- des panneaux en aluzinc (alliage d’aluminium pour fonderie composé de 55% d´aluminium, de 43,4% de zinc et de 1,6% de silicium) de 5 mètres de long et de 1,5 mm d’épaisseur se recouvrant entre eux
- un vide de 15 cm d’épaisseur destiné à protéger les couches internes des effets du Soleil, de la pluie et de la neige
- une couche d’isolant thermique de 11 cm d’épaisseur surmontée d’une couche étanche bituminée
- des tasseaux porteurs galvanisés
- d’une charpente reposant sur la structure secondaire du dôme.