Passerelle lunaire

La passerelle en orbite lunaire

(Document de l’ESA – 19 août 2019)

L’orbite en halo « angélique » choisie comme premier avant-poste lunaire pour l’humanité.

Les planificateurs de mission du centre d’opérations de la NASA et de l’ESA (ESOC) ont passé des mois pour débattre des avantages et inconvénients de diverses orbites et ont maintenant choisi le chemin de la passerelle lunaire, une orbite en halo presque rectiligne (ou RRHO).

Au lieu de se mettre en orbite basse, comme l’avaient fait les missions Apollo, la passerelle suivra un chemin excessivement excentrique. Au plus près elle passera à 3.000 km de la surface lunaire et à 70.000 km au plus loin. L’orbite sera réellement en rotation autour de la Lune, en même temps que la Lune tournera autour de la Terre. Vue de la Terre, elle apparaîtra comme un petit halo lunaire.

Une base permanente dans cette orbite circumlunaire servira de lieu de ravitaillement, où des éléments pourront être déposés, puis repris et assemblés. Après le décollage de la Terre, une manœuvre légère suffira pour ralentir un vaisseau spatial pour son rendez-vous avec la passerelle.

Tout comme la Station Spatiale Internationale, la passerelle sera un avant-poste occupé en permanence par des équipages qui se relaieront. Au lieu de tourner autour de notre planète, la passerelle sera en orbite autour de la Lune, servant de base pour les astronautes et les robots qui exploreront la surface lunaire.

Comme un refuge de montagne, elle procurera un abri et un endroit où stocker les provisions et les équipements pour les astronautes en route vers de lointaines destinations, tout autant qu’un endroit pour relayer les communications et accueillir un laboratoire de recherche scientifique.

Les équipes d’analyse de mission de l’ESOC continuent à travailler étroitement en collaboration avec les partenaires internationaux pour comprendre comment ce choix d’orbite affectera les aspects essentiels de la mission, dont les atterrissages, les rendez-vous spatiaux et tous les scénarios nécessaires pour que les équipages et les infrastructures soient en sécurité.

La passerelle avec Orion au-dessus de la Lune

Cette image de la Lune a été prise par l’astronaute de l’ESA Alexander Gerst depuis la Station Spatiale Internationale pendant sa mission. Mais il n’est pas le seul à regarder la Lune ces jours-ci. Du 3 au 5 juillet, l’ESA abrite un atelier sur l’exploration lunaire aux Pays-Bas. Basé sur l’engagement de l’ESA sur une exploration durable, l’atelier réunit des experts de l’espace et des industriels pour parler des ressources lunaires et sur la manière de les utiliser pour envoyer à nouveau des humains sur la Lune et beaucoup plus loin encore.

 

Pour que des humains, vivent et travaillent sur la Lune et au-delà, on a besoin d’oxygène et d’eau pour leur vie de même que des carburants et des matériaux pour construire des habitations et des équipements. Lancer ces volumineux consommables coûterait des énormes sommes d’argent et d’énergie qui rendrait insoutenable l’exploration du système solaire. Au lieu de cela, l’ESA étudie les possibilités qui permettraient aux humains de se servir des ressources lunaires pour supporter un retour sur la Lune. Cette approche est connue sous l’appellation de l’utilisation des ressources In-Situ. Plus simplement il s’agit d’extraire et de transformer des ressources sur site pour fabriquer des produits et des services utiles.

L’année dernière, des fournisseurs de services partageant les mêmes idées ont été invités à faire partie d’une étude d’un an pour explorer ce que pourrait être une mission lunaire viable, collaborative et commerciale. Pendant l’atelier de cette semaine l’ESA continue ses discussions avec des experts, des industriels et de potentiels nouveaux partenaires en étudiant la bonne préparation technologique, la viabilité commerciale, les aspects légaux et le contexte international pour l’utilisation des ressources lunaires. Pendant ce temps, les humains les plus proches de notre satellite rocheux (les astronautes à bord de la Station Spatiale Internationale) sont en train de tester des technologies telles que les commandes à distance de robots, pour nous approcher encore de notre prochain avant-poste dans l’espace.

De telles orbites sont possible à cause de l’interaction entre les forces gravitationnelles de la Terre et de la Lune. Pendant que deux gros corps dansent dans l’espace, un objet plus petit peut être place dans une grande variété de positions stables ou presque stables en relation avec les masses en orbite, connues aussi sous les noms de libration ou des points de Lagrange. De tels endroits sont parfaits pour prévoir des missions à long terme et, dans une certaine mesure, ils dicteront la conception du vaisseau spatial, sur ce qu’il pourra emporter, vers l’orbite et à partir de celle-ci, quelle quantité d’énergie est nécessaire pour arriver sur cette orbite et y rester.

Se déplacer sur ce chemin (NRHO), une révolution de la passerelle sur son orbite autour de la Lune prendra environ 7 jours. Cette durée a été choisie pour limiter le nombre d’éclipses, qui se produiront quand la passerelle sera voilée par les ombres de la Terre ou de la Lune.

Impression d’artiste du vaisseau Orion avec la passerelle et l’élément Héraclès arrimé.

L’ESA travaille avec les agences spatiales Canadienne et japonaise pour préparer la mission robotique d’Héraclès vers la Lune entre le milieu et la fin des années 2020. En se servant de la passerelle comme point médian, un rover robotisé ira en reconnaissance sur le terrain pour préparer la future arrivée d’astronautes et ramasser des échantillons de sol lunaire vers la Terre à bord du vaisseau spatial Orion de la NASA. Les buts recherchés incluent des tests sur de nouveaux matériels pour démontrer la technologie et une meilleure expérience dans les opérations tout en renforçant le partenariat international dans l’exploration. Un petit atterrisseur doté d’un rover, pesant environ 1.800 kg au total, atterrira et sera piloté par les astronautes depuis la passerelle spatiale. Un module d’ascension décollera depuis la surface et reviendra vers la passerelle avec les échantillons recueillis par le rover. Héraclès démontrera que ces technologies ont une réelle valeur pour les humains. Des missions ultérieures mettront en œuvre un rover pressieurisé conduit pas des astronautes et un module de remontée pour que l’équipage revienne à la maison.

Les communications sont la clé, avec des satellites dotes de réseaux à haute Vitesse pour gérer les rovers depuis l’orbite, obtenir des images des caméras, des signaux de contrôle pour diriger les caméras, les bras et les roues, et pour transmettre des données scientifiques. Quand le module d’ascension transportant le container d’échantillons arrivera, le bras robotique de la passerelle le capturera et le couchera dans le sas de l’avant-poste pour ouverture et transfert vers Orion et son vol retour vers la Terre avec des astronautes en fin de mission. Héraclès est un programme international destiné à utiliser la passerelle au mieux et à livrer des échantillons aux scientifiques sur Terre, en utilisant des nouvelles technologies plus efficaces et plus légères que dans les missions précédentes.

 « Trouver une orbite lunaire pour la passerelle n’est pas quelque chose de banal » dit Markus Landgraf, Analyste des architectures travaillant avec le département de l’ESA des activités d’explorations humaines et robotiques.  « Si vous voulez rester ici pendant plusieurs années, l’orbite de halo presque rectiligne est légèrement instable et les objets s’y trouvant auront une tendance à dériver ». Pour garder la passerelle en bonne position, il faudra effectuer des petites manœuvres régulières d’ajustement.

 

En scène…

Pourquoi cette orbite ? Le facteur fondamental qui limite le transport des pièces depuis la Terre vers une base lunaire potentielle et la surface de la Lune est l’énergie. « Dans les vols spatiaux habités nous n’envoyons pas un vaisseau unique et monolithique » explique Florian Renk, analyste de mission dans la division des vols dynamiques de l‘ESOC. « Au lieu de cela nous envoyons des morceaux et des éléments, on les assemble dans l’espace et ultérieurement sur la surface de la Lune. Nous laisserons certains de ces équipements sur place, nous en ramèneront d’autres, les structures évoluent en permanence ».

Le concept de la passerelle

La passerelle spatiale est la prochaine structure qui sera lancée par les partenaires de la Station Spatiale Internationale. Pendant les années 2020, elle sera assemblée et sera en opérations dans le voisinage de la Lune, où elle pourra se déplacer parmi différentes orbites et permettra les missions les plus éloignées que les hommes n’avaient jamais réalisées auparavant. Placée plus loin de la Terre que l’actuelle Station Spatiale, la passerelle offrira un lieu de rassemblement pour des missions vers la Lune et vers Mars. La passerelle pèsera environ 40 tonnes et sera composée d’un module de service, d’un module de communication, d’un module de connexions, d’un sas pour des sorties extravéhiculaires, un espace de vie pour les astronautes, une station d’opérations pour commander le bras robotique de la passerelle ou les rovers sur la Lune. Les astronautes occuperont la passerelle jusqu’à 90 jours de suite.

Pour échapper à l’attraction gravitationnelle de la Terre, on a besoin d’une énorme quantité d’énergie. Pour atterrir sur la Lune et ne pas s’y ruer en la dépassant, nous avons besoin de ralentir en perdant encore la même énergie. Nous pouvons économiser une partie de cette énergie en laissant des parties de vaisseau spatial en orbite, ne prenant que ce dont nous avons besoin vers la surface de la Lune.

L’atterrisseur lunaire transportera des gens, des robots et des infrastructures vers la surface quand la passerelle sera au plus près de la Lune, ce qui arrivera tous les 7 jours. De même, une fenêtre de retour vers la passerelle s’ouvrira tous les 7 jours pour le voyage de retour depuis la surface lunaire.

 

Vers la Lune

“L’expertise en vols dynamiques et, ici à l’ESOC, unique en Europe,” ajoute Rolf Densing, le directeur des opérations de l’ESA. « Nos analystes et experts en vols dynamiques fournissent un support pour toute une gamme de missions, dont certaines sont les plus complexes et excitantes, comme celle de la passerelle lunaire. Nous avons hâte de voir cet ambitieux effort international se réaliser ».

La passerelle spatiale sera le premier vaisseau spatial de l’humanité, une plateforme habitée dans l’espace, depuis laquelle l’exploration humaine du système solaire pourra commencer. Pendant les années 2020, la passerelle spatiale sera assemblée et sera placée dans le voisinage de la Lune, où elle pourra se mouvoir parmi différentes orbites et permettre les plus distantes des missions humaines dans l’espace jamais tentées. La passerelle spatiale sera un terrain d’essai pour les défis de missions humaines de longue durée dans l’environnement de l’espace profond. Le projet de la passerelle spatiale est dirigée par les partenaires de la Station Spatiale Internationale : L’ESA (Europe), la NASA (USA), Roscosmos (Russie), JAXA (Japon) et CSA (Canada). Les plans sont encore à un stade peu avancé de définition quant aux systèmes de propulsion, un petit habitat pour l’équipage, une capacité d’arrimage, un sas et des modules logistiques.

Traduction : Olivier Sabbagh