Pour l’amateur, dont la production de pièces d’optiques est rarement importante, l’intérêt d’une machine est tout relatif en comparaison des besoins de l’industrie. Toutefois, on peut y trouver de réels avantages qu’il convient toutefois de moduler en fonction des phases du travail :
L’utilisation d’une machine réduira significativement le temps de doucissage en augmentant le rendement du travail des abrasifs essentiellement du fait de la vitesse des mouvements. Ce seul avantage limite ainsi l’attrait de ces machines pour l’amateur moins soucieux du rendement.
Lors du polissage, par contre, la machine offre de nombreux avantages, notamment pour les grands miroirs :
• Réduction des efforts : La machine permet de dispenser l’amateur constructeur des efforts importants causés par l’adhérence significative du polissoir sur le miroir. Cet avantage est déterminant car il permet d’envisager de longues séances d’un seul trait souvent gages d’efficacité.
• Rendement accru : Les vitesses de déplacements (polissoir et plateau) ainsi que les efforts déployés par les machines permettent un meilleur rendement que celui d’un travail manuel. Cet avantage allié au précédent contribue ainsi à la réduction des délais de fabrication. Sachant que la poix ne conserve pas longtemps ses qualités plastiques, ce paramètre n’est pas négligeable pour l’amateur qui ne peut consacrer beaucoup de temps au polissage dans une période donnée.
• Qualité de l’état de surface : C’est un fait que l’expérience semble démontrer. La surface d’un miroir poli à la machine, dans des conditions normales d’utilisation, est souvent de très bonne qualité : absence de mamelonnage et micomamelonnage réduit. Ce constat peut s’expliquer par la fluidité des courses engendrées par les machines (vitesses contrôlables, mouvements sans à-coups et arrondis).
• Egalisation thermique : La chaleur des mains posées sur le miroir lors du polissage génère des dilatations différentielles susceptibles d’entraîner des variations de forme et par voie de conséquence une difficulté à la maîtriser. La machine permet ainsi de s’affranchir des effets indésirables liés à ce phénomène.
• Maîtrise des pressions : La machine permet d’appliquer une pression constante du polissoir sur le miroir successible d’engendrer une forme plus homogène et moins sujette aux aléas du travail manuel (notamment avec de petits outils). Il est également possible d’imposer une pression donnée par l’ajout de masses en fonction des effets souhaités.
Pour être tout à fait honnête, il convient également de signaler quelques inconvénients liés à l’utilisation des machines :
• Défauts zonaux : Par nature, la machine a tendance à produire des mouvements plus ou moins périodiques. De ce fait, certaines zones sont plus volontiers touchées par rapport à d’autres entraînant ainsi des défauts zonaux. Cet inconvénient est souvent mis en avant, à juste titre, par ceux qui prônent les seules vertus du travail manuel. On verra plus loin que la conception et les méthodes l’utilisation des machines peuvent toutefois « effacer » cet inconvénient. Des défauts zonaux ne sont pas pour autant systématiquement absents mais ils ne sont pas plus fréquents qu’à la main.
• Coût de réalisation : Bien qu’elles ne nécessitent pas de pièces très coûteuses, les machines constituent de fait une dépense supplémentaire qu’il est parfois difficile d’amortir dans le cadre d’un projet unique de fabrication de pièce d’optique. Ce coût peut toutefois être réduit si l’amateur a la possibilité de récupérer des pièces.
• Délai de fabrication : La construction d’une machine engendre un retard dans le planning du projet de taille d’un miroir. Celui-ci peut toutefois être en partie ou totalement compensé par le rendement qu’offre ce type d’outil. De plus, certains montages rudimentaires et rapidement assemblés peuvent parfaitement atteindre leurs objectifs.
• Encombrement : Les dimensions d’une machine peuvent rebuter certains amateurs s’ils ne disposent pas de l’espace nécessaire. La possibilité de démonter certains organes peut limiter cet inconvénient.
• Manque de sensibilité : A la main, on sent la fluidité de l’adhérence entre le polissoir et le miroir (points durs, dérapages) ce qui permet à l’opérateur d’adapter ses courses (vitesse, efforts) afin de ne pas générer trop de mamelonnage ou dans les cas extrêmes de décider de refaire un polissoir défaillant. Avec un travail à la machine, on perd ce contact « sensoriel ». D’ailleurs, c’est le principal reproche de ce type de méthode selon Bernhard Schmidt : « Si la main éprouve des résistances, vous devez aussitôt arrêter le travail jusqu’à ce que la température redevienne normale, mais votre machine ne peut agir ainsi : elle continuera à polir, en chauffant l’endroit des frottements ; à la suite de quoi, le défaut s’aggravera » . Ainsi, même à la machine, il est bon de réaliser de temps en temps des courses manuelles pour s’assurer des bonnes conditions de polissage.
L’utilisation des machines lors de la mise en forme d’un miroir (parabolisation et retouches) est généralement moins connue. L’expérience de certains amateurs ou artisans en la matière semble pourtant révéler des avantages notables :
• Certain déterminisme : Le phénomène relativement reproductible des courses générées à la machine (amplitudes, vitesses, …) permet un certain déterminisme dans la conduite du polissage ou des retouches. Tel réglage de machine avec telle dimension de polissoir aura ainsi tendance à reproduire telle déformation de surface optique (mêmes causes, mêmes effets). Mais insistons bien : il s’agit bien d’une tendance car d’autres phénomènes entrent en jeu et introduisent une part d’aléatoire (température, humidité, qualité de la poix, …). Malgré tout, cette relation de cause à effet reste plus marquée que pour le travail manuel dont la régularité et la reproductibilité sont plus difficiles à maîtriser.
• Temps d’action plus long : Les déformations de surface à l’aide de machines sont plus longues à engendrer que lors d’un travail à la main. Ce constat pourrait apparaître seulement comme un inconvénient. En fait, la possibilité de lentement « voir venir » la forme permet des corrections en temps réels et contribue à prévenir certains défauts difficiles à récupérer lorsqu’ils sont trop marqués (bord rabattu, trou central).
• Limitation des retouches locales : Le travail à la machine permet de limiter, voire de supprimer le recours aux retouches locales par surpressions dont la maîtrise est délicate si l’on veut obtenir une belle forme. Dans ces conditions, la machine contribuera à un meilleur raccordement des zones et à la limitation du mamelonnage. Cependant, des retouches locales ne sont pas à exclure pour corriger un petit défaut et pourront même s’avérer nécessaires dans bien des cas (grands miroirs ouverts).
Ces avantages ne doivent toutefois pas laisser croire à l’amateur opticien que la machine est la solution miracle pour obtenir un miroir de qualité à la forme parfaite . Si cette méthode présente des avantages indéniables, il n’en demeure pas moins qu’elle exige de l’opérateur, comme pour le travail manuel, une certaine expertise que seul l’apprentissage direct pourra garantir. La capitalisation issue de ses propres modes opératoires et outils employés tout au long des heures de travail sera sûrement le meilleur guide pour le débutant. Toutefois, nous tenterons dans les paragraphes de donner quelques repères sur les principes généraux encadrant la conduite du travail d’un miroir à la machine en nous appuyant sur notre propre expérience et les conseils reçus par certains praticiens confirmés.