Historique de l’utilisation des machines

Comme souvent dans le domaine des sciences et des techniques, Léonard de Vinci fut le précurseur en matière de machines à réaliser des pièces optiques. En effet, entre 1513 et 1517, il conçut des machines à creuser et à polir des miroirs de télescopes dont la matière première était encore, à l’époque, le bronze. Malheureusement, il semble que, de son vivant, Léonard de Vinci n’ait guère mis à profit ces machines au même titre que beaucoup de ses inventions.

 

 

Maquette de la machine à creuser les miroirs conçue par Léonard de Vinci. Maquette de la machine à polir les miroirs conçue par Léonard de Vinci

Dès le début du 17 ème siècle, les progrès de l’optique théorique et la maîtrise de la fabrication de verres de qualité vont entraîner, en particulier en Italie, l’essor d’un artisanat spécialisé dans le façonnage de lentilles qui serviront notamment à la fabrication de lunettes de vue, de microscopes, de lunettes de rapprochement, de lunettes astronomiques, … Des outils spécifiques ont alors été conçus pour faciliter le travail des maîtres opticiens et notamment des machines dont différents concepts sont proposés par Descartes , Huygens , Hooke , Hevelius, Cherubin d’Orléans et d’autres.

Dessin de Huygens représentant sa machine à fabriquer des pièces optiques (1683) Dessin d’une  machine pour « concaver les formes » imaginée par Cherubin d’Orléans (1670)

Durant cette période et jusqu’à la fin du 19 ème siècle, la lunette astronomique (réfracteur) règne en maître depuis que Galilée lui a donné ses lettres de noblesse. L’idée de Léonard de Vinci consistant à utiliser un miroir dans la conception d’un instrument d’observation astronomique restera en effet sans suite jusqu’à ce que Jacques Grégory (1663) puis Isaac Newton (1671) lui redonnent vie avec les télescopes qui portent encore aujourd’hui leur nom. Les miroirs des premiers télescopes sont de petites pièces en bronze qui sont façonnées à la main. Mais dès que ceux-ci ont commencé à atteindre des dimensions respectables, les machines se sont rapidement avérées indispensables afin de les creuser et les polir. Dans cette aventure, les amateurs ont très tôt tenu toute leur place en la personne d’illustres astronomes :

Dès 1788, William Herschel (1738 – 1822) fabrique une machine à polir qui lui permettra notamment de terminer un miroir de 122 cm de diamètre en 1789. Il ne reste malheureusement pas de description de cette machine que William Herschel a gardée secrète jusqu’après sa mort. Il mentionne simplement que sa construction s’est justifiée pour remplacer l’importante main d’œuvre nécessaire à la réalisation de ses grands miroirs qui pouvait, dans certaines phases, se chiffrer à une dizaine d’hommes. Une petite machine à polir de sa conception est toutefois visible dans son musée situé à Bath en Angleterre (voir photo ci-dessous).

Dans le sillage de William Herschel, Lord Rosse (1800 – 1867), riche terrien et amateur d’astronomie va entreprendre en 1843 la réalisation d’un miroir en bronze de 183 cm de diamètre pour son télescope, le Léviathan de Parsonstown , que l’on peut encore visiter en Irlande. Pour ce faire, il va utiliser une machine à polir dont il donnera une description dès 1841 à la Royal Society (voir schéma ci- dessous).

Un peu plus tard, c’est toujours un amateur et riche négociant, William Lassell (1799 – 1880), qui utilisera une machine à polir pour réaliser de grands miroirs (notamment un 122 cm de diamètre en 1855 installé à Malte).

L’une des machines à polir de William Herschel (utilisée uniquement pour la réalisation de petits miroirs)

 

Machine à polir de William Lassell

Dessin de la machine à polir utilisée par Lord Rosse (1841) Machine conçue par Henry Draper (1850)

Mais dans cette aventure, les professionnels ne sont pas en reste : On peut citer notamment Henry Draper (1837 – 1882) qui fut l’un des premiers à tailler des miroirs en verre s’appuyant sur les travaux de Léon Foucault. Dans ce but, il conçut vers 1850 une machine inspirée de celle construite en 1840 par Lord Rosse et qui fut longtemps une référence en la matière. Ce type de machine porte d’ailleurs encore aujourd’hui son nom (voir schéma ci-dessus).

Plus récemment, George Willis Ritchey a également perfectionné et utilisé ce même type de machine d’abord aux Etats-Unis (notamment pour la réalisation du miroir de 2,5 m de diamètre du télescope Hooker installé au Mont Wilson) puis en France au laboratoire d’optique de la fondation Dina à l’observatoire de Paris. De son passage en France, il laissa 2 machines et le projet d’une de 8 m de diamètre de capacité qui ne vit jamais le jour.

Bernhard Schmidt (1879-1935), quant à lui, a utilisé un autre type de machine dont les mouvements étaient actionnés au pied tant les moyens dont il disposait pour son atelier étaient maigres. Cela ne l’a pas empêché de réaliser des miroirs d’une très grande qualité.

Machine à polir de 2m de diamètre conçue par G.W. Ritchey pour le laboratoire Dina à l’observatoire de Paris (à partir de 1924) Machine à polir de George Willis Ritchey (1890) dans son atelier aux Etats-Uni
 

Projet d’une machine de 8 m par G.W. Ritchey Machine à polir de Bernhard Schmidt

Avec l’avènement des grands télescopes d’observatoires professionnels, le 20 ème siècle va voir se développer des machines toujours plus gigantesques et toujours plus perfectionnées. De ce point de vue, l’informatique a permis une avancée déterminante avec le développement de techniques innovantes mises au point par des sociétés spécialisées (Zeiss, REOSC, …). Ainsi, des robots du même type que ceux que l’on rencontre dans l’industrie automobile, sont entièrement pilotés par ordinateur pour réaliser le polissage des miroirs et l’asphérisation de la forme : asservissement des mouvements et des pressions, des déformations du support de polissage du miroir et de l’outil (techniques du miroir ou de l’outil contraint), apprentissage de la machine en fonction des résultats obtenus, … 

Un des miroirs de 8m du VLT en phase de polissage (image REOSC – SAGEM ) Polissage d’un des miroirs du Large Binocular Telescope (image SOML Mirror Lab )

 Chez les astronomes amateurs « modernes », on trouve très tôt des références à l’utilisation des machines. En effet, dès août 1922, Paul Vincart en décrit un modèle dans la revue « Ciel et Terre » de la Société Belge d’Astronomie . Un peu plus tard, dans les années 30 aux Etats Unis, Albert Ingalls mentionne différents types de machines dans son mythique ouvrage «  Amateur Telescope Making  ». En France, on trouve des descriptions relatives à ces machines dans le bulletin « L’astronomie » de la Société Astronomique de France (SAF) relatant la 108ème séance de la commission des instruments en février 1958. Certains amateurs tailleurs de miroirs ont depuis longtemps exploré les avantages offerts par les machines On peut citer notamment Pierre Bourge, Félix Bacchi ou, plus récemment, Jean Dijon et Dany Cardoen. Dans l’hexagone, pourtant, ces techniques ne se sont pas autant diffusées que chez nos collègues d’outre-atlantique. Ce phénomène peut s’expliquer par le fait que la bible des tailleurs de miroirs français, « La construction du télescope d’amateur » de Jean Texereau ne faisait nullement mention de ces outils. Depuis, avec l’avènement d’Internet, on voit fleurir de nombreux récits d’expériences personnelles d’amateurs qui profitent à la communauté des amateurs constructeurs. 

Dessins de la machine conçue par Paul Vincart paru dans la revue Ciel et Terre en 1922 Dessins de J.Texereau représentant des machines type Draper et Hindle parus dans la revue l’Astronomie en 1958

Enfin, les artisans tailleurs de miroirs ont également fait de ces machines leurs alliées. En France, le regretté Roger Mosser en utilisait il y a déjà plusieurs décennies (voir photo ci-contre). Aujourd’hui, il en va de même pour ses héritiers Franck Grière ( Mirro-Sphère ) et Jean-Marc Lecleire (Astrotélescope).

Aux Etats-Unis, on peut également citer Carl Zambuto , un artisan qui a largement diffusé son savoir faire et ses techniques dans le monde amateur mais aussi Mike Lockwood . Il convient enfin de citer Romano Zen en Italie.

 

 

 

Roger Mosser devant sa machine à polir. Photo club Astro d’Imphy Machine à polir utilisée par Franck Grière Mirro-Sphère Carl Zambuto utilisant l’une de ses machines
 

 

 

 

Machine à polir utilisée par Romano Zen Mike Lockwood derrière sa machine à polir de grande capacité. Machine utilisée par Jean-Marc Lecleire.