Gaia et les astéroïdes

Document ESA – 2020 07 01

Gaia révolutionne le suivi des astéroïdes

L’observatoire spatial Gaia de l’ESA a été conçu pour l’ambitieuse mission de construire une carte tridimensionnelle de notre galaxie en faisant des mesures précises de plus d’un milliard d’étoiles. Toutefois, dans sa quête vers les soleils distants, Gaia révolutionne un champ bien plus proche de chez nous. En cartographiant précisément les étoiles, il aide les chercheurs à pister des astéroïdes perdus.

 

Utiliser les étoiles pour trouver des astéroïdes

Ces six images montrent l’astéroïde Gaia-606 (indiqué par une flèche) le 26 octobre 2016. Les images, prises sur une période de 18 minutes, ont été prises à l’Observatoire de Haute Provence au sud de la France par William Thuillot, Vincent Robert and Nicolas Thouvenin (Observatoire de Paris/IMCCE).

Gaia-606 a été découvert en octobre 2016 quand Gaia recherchait la présence d’une source faible et mouvante dans cette région du ciel. Les astronomes se sont mis immédiatement au travail et ont prédit la position de l’astéroïde, vue depuis le sol sur une période de quelques jours. Les observations suivantes de Thuillot et de ses collègues ont montré que c’était un astéroïde qui ne correspondait pas à l’orbite d’aucun autre objet catalogué du système solaire. Des investigations plus poussées ont révélé que quelques observations éparses de cet objet existaient déjà. Gaia-606 a maintenant été renommé 2016 UV56.

Gaia cartographie la galaxie en scannant à de nombreuses reprises la totalité du ciel. Pendant la durée prévue de sa mission, il observe chacune de son milliard de cibles environ 70 fois chacune pour étudier les changements de sa position et de sa luminosité dans le temps.

Les étoiles sont si loin de la Terre que leurs mouvements entre les images sont très petits, ce pourquoi Gaia doit mesurer si précisément leurs positions pour pouvoir remarquer une différence. Toutefois, il arrive que Gaia découvre de faibles sources lumineuses qui bougent considérablement de l’image d’une certaine région du ciel à la suivante, ou sont même visibles dans une seule image avant de disparaître.

Pour se délacer aussi rapidement dans le champ de vision de Gaia, ces objets doivent se situer bien plus près de la Terre. En comparant les positions de ces objets par rapport aux catalogues des objets du système solaire, beaucoup d’entre eux s’avèrent être des astéroïdes connus. Toutefois, d’autres sont identifiés comme étant de possible nouvelles découvertes et sont ensuite suivis par la communauté des astronomes grâce au réseau de suivi de Gaia pour les objets du système solaire. Au travers de ce processus, Gaia a découvert avec succès de nouveaux astéroïdes.

 

Perdu et trouvé

Lutétia à son approche maximale

Ces observations directes des astéroïdes sont importantes pour les scientifiques qui étudient le système solaire. Les mesures extrêmement précises de la position des étoiles fournissent un bénéfice percutant mais indirect pour le suivi des astéroïdes.

« Quand nous observons un astéroïde, nous regardons son mouvement relatif par rapport aux étoiles situées en arrière-plan pour déterminer sa trajectoire et prédire sa position dans le futur » dit Marco Micheli du Centre de Coordination des objets proches de la Terre. « Cela veut dire que mieux nous connaissons la position des étoiles, plus grande sera la fiabilité dans la connaissance de l’orbite d’un astéroïde qui passe devant elles ».

En collaboration avec l’Observatoire Européen Austral (ESO), l’équipe de Marco a pris part à une campagne d’observations visant 2012 TC4, un petit astéroïde qui devait passer devant la Terre. Malheureusement, comme l’astéroïde avait été découvert en 2012, la vision qu’on en avait devenait de plus en plus faible tandis qu’il s’éloignait de la Terre, et il finit par être indiscernable. Où apparaitrait-t-il au moment de la campagne suivante, on ne le savait pas.

« La région du ciel ou l’astéroïde pouvait peut-être revenir était plus grande que ce qu’un télescope peut observer en une fois », dit Marco. « Nous devions donc trouver un moyen pour améliorer notre prédiction quant à l’emplacement futur de l’astéroïde ».

« Je suis revenu aux observations initiales de 2012. Gaia avait depuis fait de mesures plus précises sur les positions de quelques étoiles en arrière-plan des images, et je les ai utilisées pour mettre à jour notre compréhension de la trajectoire de l’astéroïde ainsi prédire l’endroit où il devait apparaître ».

“Nous avons pointé le télescope vers cette zone du ciel en utilisant les données de Gaia et nous avons trouvé l’astéroïde dès le premier essai ».

“Notre but suivant était de mesurer précisément la position de l’astéroïde, mais nous n’avions que très peu d’étoiles dans notre nouvelle image pour les utiliser comme références. Il y avait 17 étoiles listées dans un catalogue plus ancien et seulement 4 étoiles mesurées par Gaia. J’ai fait les calculs en utilisant les deux jeux de données ».

« Plus tard dans l’année, une fois que l’astéroïde avait été observé de nombreuses fois par d’autres équipes et sa trajectoire mieux connue, il est devenu clair que les mesures que j’avais faites en n’utilisant que les quatre étoiles de Gaia étaient bien plus précises que les 17 autres étoiles. C’était réellement incroyable ». Marco décrit ainsi son travail dans la recherche d’astéroïdes à risque : « C’est le seul désastre naturel sur lequel nous pouvons faire quelque chose ».

 

Sécuriser la Terre

Vue animée de 14.099 astéroïdes dans notre système solaire, établie par le satellite Gaia de l’ESA, en utilisant les données de la seconde publication de la mission. Les orbites des 200 astéroïdes les plus brillants sont également montrées en utilisant les données de Gaia.

Cette même technique est appliquée aux astéroïdes qui n’ont jamais été perdus, ce qui permet aux chercheurs d’utiliser les données de Gaia pour déterminer leurs trajectoires et propriétés physiques plus précisément que jamais. Cela les aide à mettre à jour les modèles de populations d’astéroïdes et d’approfondir notre compréhension de la manière dont leurs orbites se développent, par exemple, en mesurant les effets dynamiques subtils qui jouent un rôle-clé en poussant des petits astéroïdes sur des orbites qui pourraient les mettre en position d’une collision avec la Terre.

 

Danser avec la lumière du jour

Dans le but de faire des mesures si précises de la position d’autres étoiles, Gaia a une relation compliqué avec notre étoile, le Soleil.

Gaia est en orbite autour du point de Lagrange L2 du système Soleil-Terre. Cet emplacement situe le Soleil, le Terre et la Lune loin de Gaia, ce qui lui permet d’observer une grande portion du ciel sans interférence. C’est aussi un environnement où les radiations thermiques dont stables. Toutefois, Gaia ne doit pas tomber entièrement dans l’ombre de la Terre dans la mesure où la sonde dépend de la lumière du Soleil pour recharger ses batteries. Comme l’orbite autour du point L2 est instable, de petites perturbations peuvent se produire et conduire la sonde vers une éclipse.

Évitement de l’ombre de la Terre

L’équipe de contrôle de vol de Gaia à l’ESA à Darmstadt est responsable pour effectuer les corrections de trajectoire de la sonde pour la maintenir sur une orbite correcte, en dehors de l’ombre de la Terre. Ils s’assurent que Gaia reste l’une des sondes les plus stables jamais réalisées. Le 16 juillet 2019, l’équipe a réalisé avec succès une manœuvre d’évitement d’une éclipse, en déplaçant Gaia vers une extension de sa mission, lui permettant ainsi de continuer à observer le ciel pendant plusieurs années supplémentaires.

 

Traduction : Olivier Sabbagh