Gaia

Les nouvelles données de Gaia nous emmènent vers l’anticentre de la Voie Lactée et au-delà

ESA – 3 décembre 2020


NDT : Présentation de Gaia en préambule :

Gaia est une sonde spatiale créée par l’agence Spatiale Européenne (ESA), porteuse d’un télescope opérant dans les ondes allant de 330 nm (nanomètres) à 1050 nm, donc essentiellement en lumière visible (qui, elle, va de 380 nm à 780 nm). D’un poids de 2 tonnes et lancé le 19 décembre 2013, il a remplacé le satellite Hipparcos (lancé en 1989). Il est situé au point de Lagrange L2 du système Soleil-Terre. C’est un télescope anastigmatique à 3 miroirs qui porte des instruments d’astrométrie, de photométrie et de spectrométrie. Sa mission essentielle est de repérer et d’analyser des milliards d’étoiles quant à leur taille, leur mouvement, leur couleur, leur distance, etc. Ces observations concernent essentiellement les étoiles de notre galaxie, la Voie Lactée, mais pas uniquement.

Vous pouvez trouver d’autres informations sur Gaia en allant sur la page de notre site qui traite des télescopes spatiaux, notamment ceux qui fonctionnent en lumière visible (après Hubble et Kepler). Lien direct : Cliquez ici


Publication de l’ESA :

Le mouvement des étoiles dans les faubourgs de notre galaxie suggère qu’il y a eu des changements significatifs dans l’histoire de la Voie Lactée. Cet élément et d’autres tout à fait fascinants viennent d’un ensemble de publications qui démontrent la qualité de la troisième publication des pré-données de Gaia (EDR3), qui a été rendue publique aujourd’hui.

Les astronomes du consortium de traitement des données et des analyses (DPAC) ont décelé les preuves du passé de la Voie Lactée en regardant des étoiles dans la direction de « l’anticentre » de notre galaxie. Cet endroit est à l’exact opposé dans le ciel de l’endroit où se trouve le centre de notre galaxie.

Les résultats quant à l’anticentre proviennent de la démonstration de l’une des 4 publications parues en même temps que la sortie du troisième groupe de données. Les autres utilisent les données de Gaia pour fournir un énorme prolongement au recensement des étoiles proches, en déduisent la forme de l’orbite du système solaire autour du centre de la galaxie et explorent les structures de deux galaxies proches de la Voie Lactée. Ces publications sont destinées à mettre en lumière les améliorations et la qualité des nouvelles publications de données.

Gaia EDR3 a été rendue publique le 3 décembre 2020. Elle comprend la position et la luminosité de plus de 1,8 milliard d’étoiles, la parallaxe et le mouvement propre de presque 1,5 milliard d’étoiles, et la couleur de plus de 1,5 milliard d’étoiles. Elle comprend aussi plus de 1,6 million de sources extragalactiques.

Qu’est-ce que EDR3 ? (Early Data Release 3 : Pré-Publication des données, n°3)

NDT : La pré-publication des données (ERD3) est un aperçu de quelques nouveautés découvertes. Elle sera suivie d’une publication (DR3) de la totalité des données. DR2 concernait des données récoltées sur 22 mois d’observations de Gaia et avait été publiée en avril 2018 et DR1 sur 14 mois en septembre 2016. Les groupes de données publiées concernent généralement des observations dont les dernières remontent généralement à deux ans (pour avoir le temps de les traiter).

Gaia EDR3 contient aussi des informations détaillées relatives à plus de 1,8 milliard de sources, détectées par la sonde Gaia. Ceci représente une augmentation de plus de 100 millions de sources par rapport à la DR2. Gaia EDR3 contient aussi de informations colorimétriques pour environ 1,5 milliard de sources, une augmentation de plus de 200 millions de sources par rapport à Gaia DR2. Au-delà de l’ajout de nombreuses sources, l’exactitude et la précision des mesures ont été améliorées. « Les nouvelles données de Gaia promettent d’être un trésor pour les astronomes », dit Jos de Bruijne, adjoint scientifique du projet Gaia de l’ESA.

Cette image, créée grâce aux données de Gaia, montre le déplacement des étoiles dans la Voie Lactée pour les 400 ans à venir !

 

 

Vers l’anticentre galactique

Les nouvelles données de Gaia ont permis aux astronomes de retracer les différentes populations de vieilles et jeunes étoiles situées loin, vers le bord de notre galaxie, l’anticentre galactique. Les modèles informatiques prédisaient que le disque de la Voie Lactée allait grossir avec le temps tandis que de nouvelles étoiles naissent. Les nouvelles données nous permettent de voir les reliques de l’ancien disque, vieux de 10 milliards d’années et de déterminer ainsi sa taille plus petite par rapport à sa taille actuelle.

Les Nouvelles données concernant les régions externes renforcent aussi la preuve qu’un évènement majeur est intervenu dans un passé plus récent de notre galaxie.

Les données montrent que, dans les régions externes du disque, il existe un composant d’étoiles aux déplacements lents au-dessus du plan de notre galaxie qui se dirige vers le plan galactique et un composant d’étoiles à déplacements rapides vers le haut. Cette caractéristique extraordinaire n’avait pas été anticipée. Elle pourrait être le résultat de la récente collision entre la Voie Lactée et la galaxie naine du Sagittaire.

 

La couleur du ciel dans l’EDR3

Une image complémentaire montrant la carte de densité des étoiles par Gaia.

Les données relatives à plus de 1,8 milliard d’étoiles ont été utilisées pour créer cette carte de la totalité de notre ciel. Elle montre la luminosité totale et la couleur des étoiles observées par le satellite Gaia est sont publiées dans une partie de Gaia EDR3.

Les régions plus brillantes représentent des concentrations plus denses d’étoiles brillantes, alors que les régions sombres correspondent à des endroits où se trouvent moins d’étoiles qui sont, de surcroît, moins lumineuses. Les couleurs de l’image sont obtenues en combinant la quantité totale de lumière avec les quantités de lumières bleues et rouges enregistrées par Gaia à chaque endroit du ciel.

La structure horizontale brillante qui domine l’image est le plan de notre Voie Lactée. C’est en réalité un disque aplati, vu par la tranche qui contient la plupart des étoiles de notre galaxie. Au milieu de l’image, le centre galactique apparaît très lumineux et bondé d’étoiles.

Les régions plus sombres du plan galactique correspondent aux nuages moléculaires de gaz et de poussières interstellaires situés au premier plan, qui absorbent la lumière des étoiles plus lointaines. Nombre de ces nuages abritent des pouponnières d’étoiles où de nouvelles générations d’étoiles sont en train de naître.

En pointillé dans l’image se trouvent de nombreux amas globulaires et ouverts, ainsi que des galaxies entières situées derrière la nôtre. Les deux objets lumineux en bas à droite sont le Grand et le Petit Nuage de Magellan, deux galaxies naines qui tournent autour de la Voie Lactée.

La galaxie naine du Sagittaire contient quelques dizaines de millions d’étoiles, et elle est actuellement dans le processus d’être cannibalisée par la Voie Lactée. Son dernier passage proche n’était pas une collision directe, mais cela a été suffisant pour que sa gravité perturbe quelques étoiles, comme quand on jette un caillou dans l’eau.

En se servant de Gaia DR2, les membres du DPAC ont déjà trouvé une subtile ondulation dans les mouvements de millions d’étoiles, qui font remonter les effets de la rencontre avec la galaxie naine du Sagittaire à une période d’il y a entre 300 et 900 millions d’années. Maintenant, avec Gaia EDR3, ils ont trouvé plus de preuves qui montrent ses effets sur le disque d’étoiles de notre galaxie.

Carte des pays faisant partie du Consortium européen (DPAC), dont les membres exploitent les données de Gaia

« Les modèles de mouvements dans les étoiles du disque sont différents de ce nous pensions auparavant », dit Teresa Antoja, de l’Université de Barcelone, qui a travaillé sur cette analyse avec des collègues du DPAC. Bien que le rôle de la galaxie naine du Sagittaire fait toujours débat chez certains, Teresa dit, « Ce pourrait être un bon candidat pour expliquer toutes les perturbations, comme certaines simulations faites par d’autres auteurs le montrent ».

 

Mesure de l’orbite du système solaire

L’histoire de notre galaxie n’est pas seulement le résultat des publications de Gaia EDR3. Les membres européens du DPAC ont produit d’autres travaux pour démontrer l’extrême fiabilité des données et leur potentiel unique pour des découvertes scientifiques sans limites.

Dans une publication, Gaia a permis aux scientifiques de mesurer l’accélération du système solaire dans la Voie Lactée. En utilisant les mouvements observés de galaxies extrêmement distantes, on a mesuré que la vitesse du système solaire augmentait de 0,23 nm/s, chaque seconde. En raison de cette toute petite accélération, la trajectoire du système solaire est déviée chaque seconde de la mesure d’un atome. L’accélération mesurée par Gaia montre une bonne cohérence avec les attentes théoriques et fournissent la première mesure de la courbure de l’orbite du système solaire autour de notre galaxie dans l’histoire de l’astronomie optique.

 

Un nouveau recensement stellaire

Gaia EDR3 a aussi permis d’obtenir un nouveau recensement des étoiles situées dans le voisinage du Soleil. Le catalogue de Gaia des étoiles proches contient 331.312 objets, ce qui est estimé représenter 92% des étoiles situées à un maximum de 100 parsecs (326 AL) du Soleil. Le précédent recensement, appelé le catalogue Gliese des étoiles proches, avait été publié en 1957 et ne contenait initialement que 915 objets et avait été mis à jour en 1991 pour atteindre 3.803 objets célestes. Il était également limité à une distance maximale de 82 AL : le recensement de Gaia va quatre fois plus loin et contient 100 fois plus d’étoiles. Il fournit aussi des mesures sur l’emplacement, le mouvement et la luminosité de ces étoiles avec des ordres de magnitude plus précis que les anciennes données.

 

Au-delà de la Voie Lactée

Une quatrième publication de démonstration a analysé les Nuages de Magellan qui sont 2 galaxies naines qui tournent autour de la Voie Lactée. Ayant mesuré les mouvements des étoiles du Grand Nuage de Magellan avec une précision améliorée, Gaia EDR3 montre clairement que cette galaxie a une structure spirale. Les données montrent aussi un courant d’étoiles qui est extrait depuis le Petit Nuage de Magellan et cela montre des structures, jamais vues jusqu’alors, dans les banlieues de ces deux galaxies.

Ce Gif, extrait des données de Gaia EDR3, montre comment des étoiles sont extraites du Petit Nuage de Magellan pour se diriger vers le Grand Nuage de Magellan, ce qui forme un pont stellaire dans l’espace.

(↑   NB : Ça bouge très lentement, mais ça bouge !!)

 

À midi, le 3 décembre 2020, les données, produites par les nombreux scientifiques et ingénieurs du DPAC de Gaia, sont devenues publiques pour n’importe qui, pour tous ceux qui voudront les lire et apprendre. C’est la première partie d’une publication en deux phases. La publication entière, DR3, est prévue en 2022.

« Gaia EDR3 est le résultat d’un énorme effort de tous ceux qui sont impliqués dans la mission Gaia. C’est un ensemble de données extraordinairement riche et je suis impatient de voir les découvertes que les astronomes du monde entier pourront faire avec cette ressource », dit Timo Prusti, scientifique projet de Gaia de l’ESA. “Et ce n’est pas fini, beaucoup d’autres données de Gaia restent à venir, tant qu’il continuera à faire des mesures depuis sa position orbitale ».

 

 

Traduction : Olivier Sabbagh