Effondrement de falaises et rochers rebondissants sur la comète 67P/

Effondrement de falaises et éboulis de rochers sur la comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko

ESA – 18 septembre 2019

Les scientifiques analysant l’abondant trésor que sont les images prises par la mission Rosetta de l’ESA ont relevé des preuves de curieux rochers ayant rebondi et d’impressionnants effondrements de falaises.

Rosetta a été en orbite autour de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko entre août 2014 et septembre 2016, recueillant des données sur la poussière, les gaz et l’environnement plasmatique, ses caractéristiques de surface et sa structure intérieure.

L’analyse d’une partie des quelques 76.000 images en haute résolution prise par la caméra Osiris, les scientifiques ont cherché des changements à la surface de la comète. Ils ont été particulièrement intéressés par la période où la comète était au plus près du Soleil (périhélie) à comparer avec celle qui a suivi cette phase active, pour mieux comprendre les processus qui conduisent à l’évolution de la surface.

  L’évolution d’un rocher qui rebondit: La première image (à gauche) donne une vue de référence de la comète, en même temps qu’un gros plan de la région étudiée. Les petites images, encerclées à droite, montrent la situation (avant et après) de la région qui contient le rocher qui a roulé, prises respectivement les 17 mars 2015 et le 19 juin 2016. Les impacts du rocher ont été laissés sur le sol couvert de régolithe de la surface cométaire, jusqu’au dernier saut et arrêt. On pense qu’il est tombé depuis la falaise proche, haute de 50 mètres. Le graphique du bas illustre le trajet du rocher et de ses rebonds le long de la surface en tenant compte des mesures préliminaires des mini-cratères.

Des débris épars sont visibles partout sur la comète mais, parfois, certains d’entre eux ont été vus en cours d’éjection vers l’espace, ou de déplacement en roulant sur le sol de la comète. Un nouvel exemple d’un rocher ayant sauté a été récemment identifié dans la douce région du « cou » de la comète, qui réunit les deux lobes de celle-ci, région qui a subi un nombre important de changements de surface à large échelle sur la durée de la mission. Ici, un rocher d’environ 10 mètres de diamètre est apparemment tombé de la proche falaise et a rebondi plusieurs fois sur la surface, sans se casser, en laissant des empreintes successives sur le sol.

« Nous pensons que ce rocher tombé de la falaise est le plus gros fragment issu de ce glissement de terrain, avec une masse d’environ 230 tonnes », dit Jean-Baptiste Vincent de l’Institut DLR sur la recherche planétaire, qui a présenté ces résultats à la conférence de l’EPSC-DPS à Genève aujourd’hui.

« Tant de choses sont arrivées sur cette comète entre mai et décembre 2015, quand elle a été à son pic d’activité mais, c’est malheureusement à cause de cette activité qu’on était obligés de positionner Rosetta à une distance de sécurité. En conséquence, nous n’avions pas une vue assez rapprochée pour voir les surfaces illuminées avec une résolution suffisante pour repérer exactement l’endroit où se tenait le « rocher » avant qu’il ne se détache de la falaise ».

Étudier les mouvements des rochers comme celui-ci en différents endroits de la comète aide à déterminer les propriétés mécaniques à la fois de l’objet qui tombe mais aussi du terrain sur lequel il tombe. La matière dont est faite la comète est généralement très légère en comparaison de la glace et des rochers qu’on connaît sur Terre : les « rochers » sur la comète 67P/C-G sont environ 100 fois plus légers que de la neige fraichement tassée.

On a aussi assisté à d’autres types de changements à plusieurs endroits sur la comète : l’effondrement de pans de falaises le long des lignes de faiblesses, tel que la vue de la chute d’un segment de 70 mètres de large, depuis la falaise « Assouan » en juillet 2015. Mais Ramy El-Maarry et Graham Driver de l’université Birkbeck de Londres, pourraient avoir trouvé un effondrement encore plus important, lié à une éruption vue le 12 septembre 2015 le long de la division entre les hémisphères nord et sud de la comète.

   Une éruption a eu lieu sur la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko le 12 septembre 2015, dont on pense qu’elle est associée au plus important effondrement de falaise observe pendant toute la durée de la mission Rosetta.

Cela semble être l’un des plus grands effondrements auquel on ait assisté pendant la mission Rosetta, avec une surface de 2.000 m2, dit Ramy, qui a également pris la parole aujourd’hui à l’EPSC-DPS.

Pendant le passage au périhélie, l’hémisphère sud de la comète a subi un éclairage solaire intense, ce qui a provoqué l’augmentation des niveaux d’activité et une érosion plus intense qu’à d’autres endroits de la comète.

« L’observation des images, avant et après, nous permet d’affirmer que l’escarpement était intact, au moins jusqu’en mai 2015, car nous avons des images de haute résolution pour le voir », dit Graham, un étudiant qui travaille avec Ramy dans le dépouillement des immenses archives de Rosetta.

« L’emplacement de cette région particulièrement active augmente la probabilité que l’évènement de l’effondrement soit lié avec l’éruption de septembre 2015 ».

 ↑  Avant et après l’effondrement d’une partie de falaise sur la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko. Dans les images du haut la flèche jaune indique l’emplacement d’un escarpement à la frontière entre l’hémisphère nord éclairé et le sombre hémisphère sud, avant et après l’éruption (entre septembre 2014 et juin 2016). Les images du bas sont des agrandissements de ceux du haut. Le flèche bleue pointe vers l’escarpement qui a disparu dans l’image du bas à droite. Deux petits rochers (nuémros 1 et 2) sont indiqués pour marquer l’orientation.

En regardant en détail les débris autour de la région d’effondrement peut suggérer que d’autres grands phénomènes érosifs se sont passés ici dans le passé. Ramy et Graham ont observé que les débris sont constitués de blocs de tailles différentes, allant jusqu’à 10 mètres, ce qui est substantiellement plus grand que la moyenne des rochers issus de l’effondrement de la falaise « Assouan », qui n’est que de quelques mètres de diamètre.

« Ces différences, dans les tailles des débris tombés, suggèrent soit des variations dans la matière des couches de la comète, et/ou des mécanismes différents dans la manière dont les falaises s’écroulent », ajoute Ramy.

Étudier les changements comme ceux-ci dans les comètes ne nous donne pas seulement des idées sur la nature dynamique de ces petits corps, sur de courtes échelles de temps, mais l’effondrement de falaises importantes nous procure une vue quant à la structure intérieure de la comète, nous aidant ainsi à réunir les pièces de l’évolution des comètes sur des échelles de temps plus longues.

Les données de Rosetta continuent à nous surprendre et il est magnifique de voir que la future génération d’étudiants est déjà en train de faire des découvertes excitantes, ajoute Matt Taylor, scientifique du projet Rosetta de l’ESA

 

Traduction : Olivier Sabbagh