Le blob en détails

Le blob en détails

Qu’est-ce qu’un blob ?
Scientifiquement c’est un “Physarum polycephalum”

Physarum polycephalum, surnommé « le blob » dans la francophonie, est une espèce unicellulaire de myxomycète de l’ordre des Physarales, vivant dans les milieux frais et humides tels que les tapis de feuilles mortes des forêts ou le bois mort. Cet amibozoaire est classé depuis 2015 parmi les mycétozoaires.

Organisme capable de prendre diverses formes, Physarum polycephalum, bien que n’ayant pas de cerveau, est doté de certaines capacités d’apprentissage. Comme les champignons, dont il ne fait pas partie, cet organisme monocellulaire possède des milliers de répliques de son noyau (permettant sa fragmentation et la fusion des fragments), ce qui a suscité une erreur historique : on a longtemps cru que cette cellule géante était un champignon et qu’elle possédait plusieurs noyaux, et Physarum polycephalum a donc longtemps été qualifié de « mycète » et de « polynucléaire ».

 

Dénomination scientifique et surnom médiatique

Son nom binominal Physarum polycephalum lui est donné en 1822 par le mycologue américain Lewis David von Schweinitz. Ce mélange de grec et de latin signifie littéralement « petite vessie » et « à plusieurs têtes ». Ce nom scientifique possède de nombreux synonymes, dont Didymium ou Lignydium à la place de Physarum.

Au XXIe siècle, ce myxomycète a été surnommé « le blob » en référence aux autres utilisations du mot anglais blob. Mais les anglophones n’emploient pas ce terme pour désigner le myxomycète. En anglais, blob désigne une goutte (d’encre), une tache, un pâté (sur une feuille).

Le terme blob est encore aujourd’hui couramment utilisé par la presse et les médias francophones en général.

 

Caractéristiques :

Visible à l’œil nu, Physarum polycephalum est généralement de couleur jaune, se nourrissant de spores et de sporophores de champignons, de bactéries et autres micro-organismes. Physarum polycephalum est l’un des micro-organismes eucaryotes les plus faciles à cultiver in vitro (du papier absorbant humide et des flocons d’avoine suffisent), et est utilisé comme organisme modèle pour de nombreuses études sur les mouvements amiboïdes et la motilité cellulaire.

 

Cycle de vie

La principale phase végétative de Physarum polycephalum est le plasmode, ou plasmodium. Ce plasmode est constitué de réseaux de veines protoplasmiques qui assurent la distribution des nutriments, et de nombreux noyaux. C’est au cours de cette étape que l’organisme cherche de la nourriture. Le plasmodium entoure sa nourriture et sécrète des enzymes pour la digérer.

Si les conditions environnementales entraînent la dessiccation du plasmode lors de l’alimentation ou de migration, il se forme alors un sclérote. Le sclérote est multi-nucléé et constitué de tissus très renforcés servant de stade de dormance, assurant ainsi la protection de Physarum polycephalum pendant de longues périodes. Une fois les conditions favorables revenues, le plasmode réapparaît pour poursuivre sa quête de nourriture.

Quand les réserves alimentaires sont épuisées, le plasmode entre en phase de reproduction pour former des sporocystes. Des sporocystes se forment dans le plasmode, la méiose se produit au sein de ces structures et les spores se forment. Les sporocystes se forment habituellement à l’air libre pour que les spores soient dispersées par le vent. Les spores peuvent rester viables pendant des années. Toutefois, lorsque les conditions environnementales sont favorables à la croissance, les spores germent et libèrent des cellules soit flagellées, soit amiboïdes (stade mobiles). Les cellules fusionnent ensuite pour former un nouveau plasmode.

Phase reproductrice, constitution des sporocystes. Sporocystes. Sporocystes bruns en phase de sporulation

La fusion n’a lieu que si les Physarum polycephalum sont de types sexuels différents, ce qui a de grandes chances de se produire puisqu’il en existe 720 différents. Le type sexuel du blob est en effet déterminé par trois sites génétiques, notés matA, matB et matC, qui disposent respectivement de 16, 15 et 3 allèles connus (pour un total de 720 combinaisons différentes).

 

Génétique

Le génome de Physarum polycephalum est partiellement séquencé. Physarum polycephalum est souvent utilisé pour les études sur l’édition biologique ; c’est à ce jour le seul organisme connu pour éditer l’acide ribonucléique (ARN) à la fois par insertion et substitution de nucléotides.

 

Déplacement

Le déplacement du Physarum polycephalum est lié à un courant cytoplasmique appelé « shuttle streaming » en anglais, évoquant le va-et-vient d’une navette (shuttle). Ce shuttle streaming est caractérisé par un changement de direction d’avant en arrière du flux de cytoplasme, avec un intervalle de temps d’environ une minute trente. À l’intérieur des plasmodes, la force motrice est générée par la contraction suivie de la relaxation de couches membraneuses probablement constituées d’actine (de type filament d’actine associé à la contraction). La couche de filaments crée un gradient de pression grâce auquel le cytoplasme s’écoule à l’intérieur du plasmode.

Le blob secrète un mucus qui le protège contre la dessiccation mais a aussi un rôle répulsif qui lui évite d’explorer deux fois la même piste. Cette mémoire spatiale externalisée lui permet de se déplacer à 1 cm/h.

Simulation informatique de la création d’un réseau par P. polycephalum

 

Apprentissage

Physarum polycephalum peut présenter des comportements très étonnants que la recherche scientifique n’a pas encore totalement expliqués. Une équipe de recherche du CNRS a montré que Physarum polycephalum peut non seulement apprendre mais également transmettre les nouvelles informations mémorisées à des congénères en fusionnant temporairement avec eux.

Expérience de l’habituation avec p. polycephalum.

Dans l’expérience de cette équipe, 4 000 individus sont séparés en deux groupes de taille identique, le groupe H (« habitué ») et le groupe N (« naïf »). Les individus du groupe H s’entraînent à réprimer leur répulsion naturelle pour des substances inoffensives comme le sel pour aller chercher leur nourriture de l’autre côté d’un pont qui en est recouvert ; ceux du groupe N doivent seulement traverser un pont dépourvu de ces substances. Ensuite, on met des individus de chaque groupe dans la même situation, consistant à devoir traverser un pont recouvert de sel pour aller chercher leur nourriture : on constate que les individus du groupe H sont bien plus rapides à la tâche.

Dans un deuxième temps, on crée des couples HH, HN et NN, et on les met à nouveau ensemble dans cette situation. On constate alors que, pour aller chercher leur nourriture, les individus N qui s’associent à des individus H sont aussi rapides qu’eux ; ils sont beaucoup plus rapides que les autres individus N. Enfin, on recommence en séparant les couples soit une heure soit trois heures après les avoir laissé fusionner, puis seulement après on soumet les individus à nouveau à l’épreuve du pont de sel. Dans ce cas, on constate que, parmi les N qui fusionnent avec un H, seuls ceux qui fusionnent pendant trois heures sont aussi rapides que des H.

Les chercheurs ayant remarqué que c’est aussi le temps requis pour qu’une sorte de veine se forme entre les deux individus fusionnés, ils émettent l’hypothèse encore non vérifiée () d’après laquelle elle est le moyen par lequel les informations sont transmises d’un Physarum polycephalum à l’autre. On ignore pour l’instant sous quelle forme cette information est transmise et traitée.

Cette notion d’apprentissage doit être considérée avec précaution, elle incite à un biais interprétatif qui prépare à supposer une possibilité de forme d’intelligence via la mémorisation d’informations. Le communiqué de presse initial ne cite qu’une capacité “d’habituation” face aux contraintes de l’expérience. Plusieurs solutions de réactions biologiques peuvent avoir lieu dans le groupe H et y être enregistrées sans faire appel à une quelconque forme d’intelligence, entre autres des modifications épigénétiques peuvent être possibles, voire plus, compte tenu de la plasticité génétique de Physarum polycephalum.

 

Résolution de labyrinthes

Une équipe de chercheurs japonais et hongrois considère que Physarum polycephalum est capable de se déplacer dans un labyrinthe d’agar-agar en identifiant le plus court chemin possible quand deux morceaux de nourriture sont placés à chaque entrée. En réalité, Physarum polycephalum parcourt tout le labyrinthe et persiste uniquement sur le chemin le plus court.

Physarum polycephalum dans un labyrinthe

Une étude démontre que Physarum polycephalum peut résoudre des problèmes complexes mettant en jeu plus de sources de nourriture. Pour ce faire, les chercheurs déposent l’organisme sur une surface où sont dispersés des points de nourriture représentant les différentes villes de la région de Tokyo. Physarum polycephalum crée un réseau optimisé entre les sources de nourriture, en reliant de la manière la plus efficace les différentes stations.

Optimisation d’un réseau par P. polycephalum

Anticipation

En générant de façon répétée des stimuli de chaud et de froid à Physarum polycephalum, et ce avec 60 minutes d’intervalle, des biophysiciens de l’université de Hokkaidō découvrent que le plasmode peut anticiper ces stimuli en y réagissant même quand ceux-ci sont absents. Ils montrent également que ces résultats peuvent être obtenus en appliquant les stimuli avec un intervalle de 30 ou 90 minutes.

Calcul

Andrew Adamatzky de l’université de Bristol montre comment il est possible d’orienter ou de cliver un plasmode en utilisant la lumière ou des sources de nourriture. Dans la mesure où des plasmodes réagissent toujours de la même manière aux mêmes stimulus, Adamatzky suggère que Physarum polycephalum constitue « un modèle idéal pour de futurs outils de bio-informatique ».

Nutrition

Une équipe de l’université Toulouse-III-Paul-Sabatier montre que Physarum polycephalum est capable de choisir le régime le plus adapté à son métabolisme lorsqu’il est mis en présence de nombreuses sources de carbone et d’azote différentes.

Robotique

Les particularités comportementales de Physarum polycephalum sont mises à profit lors de la fabrication d’un robot hexapode qui fuit la lumière pour se cacher dans des zones d’ombre. Des chercheurs de l’université de Southampton font pousser l’organisme sur une surface en étoile à six branches au-dessus d’un circuit qui le connecte au robot via un ordinateur. Lorsque Physarum polycephalum est exposé à la lumière et qu’il tente de se rétracter, son mouvement est enregistré par le circuit et transmis aux pattes du robot, qui s’éloigne de la source lumineuse, reproduisant ainsi de façon mécanique les réponses biologiques du microorganisme.